Le théâtre de la Bastille et le festival Faits d’hiver accueillait ce 17 janvier la première de Ne me touchez pas, de la danseuse et désormais chorégraphe Laura Bachman, où elle partage la scène avec Marion Barbeau. Une pièce d’un académisme daté qui soulève malgré elle de lourdes questions d’objectivation du corps féminin.
Tout commençait bien pourtant. Marion Barbeau apparaît dans un carré de lumière et elle se gratte frénétiquement. La première danseuse de l’Opéra de Paris sait faire, elle est une interprète géniale à l’expressionnisme évidemment puissant. On adore l’image qui dit combien l’humiliation donne la sensation d’être sale, combien une agression démange longtemps après. Ça aurait pu durer une heure sans nous lasser. Mais, rapidement, un autre tableau arrive. Laura Bachman, qu’on a vu danser chez Anne Teresa De Keersmaeker, s’offre à nous, au premier sens du terme, dans une danse lascive qui, loin de dénoncer ces mouvements qui réduisent les femmes à des sex-toys, s’empare de l’esthétique au premier degré. Dans la même veine, dans une autre séquence surannée, elle nous présente son dos dans une lumière dorée d’un autre âge, les mains se promenant de haut en bas.
La pièce pêche par sa construction aux antipodes des codes contemporains que nous voyons. Elle n’est qu’une succession de saynètes, chacune associée à un morceau de musique. Là encore, nous avancions confiant.es puisque la bande-son a été composée par l’accordéoniste Vincent Peirani. Les mélodies ne ressemblent en rien à son univers habituel. Elles sont jolies, très illustratives, quand les compositions du jazzman sont normalement bien plus complexes.
Cette accumulation de tableaux qui se succèdent de façon abrupte casse toute la dramaturgie du spectacle.
La danse pose également problème. Les deux danseuses ne parviennent pas à choisir entre radicalité et rondeur. À rester entre les deux mondes, celui du classique et celui du contemporain, elles nous laissent au bord, bien au chaud derrière un lourd quatrième mur qui jamais ne se casse. Un tableau commence, en musique, un geste est posé, par exemple un artificiel pas de deux de danse contact en face en face. Ce geste, comme il n’est ni répétitif ni engagé, s’épuise avant sa fin. Les mouvements restent en surface alors qu’ils minaudent et se chargent de motifs inutiles comme des balancements de cheveux très modern jazz.
Quelle est leur intention ? Dénoncer ou sublimer la perception seulement sexuée du corps des femmes ? Nous n’avons pas la réponse.
Jusqu’au 20 janvier au théâtre de la Bastille.
Visuel : © Christophe Manquillet