Le Festival d’automne et le Centre Pompidou accueillent la dernière pièce de la chorégraphe et danseuse grecque, désormais lyonnaise. Mourn Baby Mourn ajoute un parpaing à l’édifice de son écriture musclée.
Nous avions découvert cette artiste à June Events en 2018 dans BSTRD. Elle se battait alors contre elle-même, sur un ring. En plein confinement et juste entre professionnels, nous avons eu la chance de pouvoir voir le duo Zeppelin Bend avec Natali Mandila où elles prenaient de la hauteur à l’aide de cordes ! Disons que Katerina Andreou aime les agrès ! Mourn Baby Mourn se place totalement dans le même type d’énergie puisqu’elle y construit un mur. Au commencement, cela pourrait être drôle. Comme une joueuse de Tetris IRL, elle place les lourdes briques les unes sur les autres. Elle plie profondément, écarte les bras, ouvre les hanches, repose poids après poids. C’est massif. C’est beau aussi. Elle reprend la figure du ring en la réduisant à des néons en guise de cadre de scène. Mais plus la pièce avance, et avant qu’elle se mette à parler, plus nous réalisons qu’il s’agit d’un mur des lamentations personnel et en construction.
Ce mur devient une page remplie d’une logorrhée écrite. Ses mots interviennent à égalité avec sa danse. Ils sont la parfaite illustration de son mouvement. Elle frappe. Elle tourne en rond. Elle choisit les angles et les rebonds d’une seule phrase chorégraphique qui la replace toujours au point de départ, les jambes en quatrième position. Pour la première fois, elle utilise le texte, un texte qu’elle a écrit dans son mouvement. Il ne s’agit pas d’un récit de fiction, mais d’un coup de poing, d’un boom. L’écriture est à vif, elle mélange des niveaux de langage, la typographie blanche agit comme une image. Ses mots, comme sa danse, ne cherchent jamais le joli ou l’agréable. Elle est viscérale et pleine d’angles.
Cette pièce est, dans la jeune carrière de Katerina Andreou un manifeste personnel. Elle ose dire que « ça va pas du tout ». Elle exorcise son mal-être en construisant des choses solides. Et les mots, qu’elle ne prononce jamais elle-même, sont des outils pour soulager. Mais ce grand boom silencieux qu’elle nous donne à voir est une explosion de douceur inédite chez la danseuse. Elle vient nous dire que ça va aller finalement, qu’elle va retrouver une course stable, qu’il faut juste prendre le temps de se poser dans un halo rose, vraiment doudou.
Katerina Andreou nous partage son voyage, de sa colère à sa libération paisible. Aurait-elle rangé ses gants de boxe pour toujours ? À suivre…
Visuel : © Hélène Robert