Dans un pas de deux sensible, entre batterie et danse, Carole Bordes s’attaque à l’un des plus grands tabous de la danse contemporaine : le mépris pour la danse jazz.
Le titre du spectacle en donne le contenu, il s’agit d’une discussion entre elle et un fantôme, en l’occurrence Matt Mattox, le roi de la danse jazz, mort en 2013, en France, à Perpignan. Sur scène, il y a elle et un batteur, Samuel Ber. Elle commence par dialoguer avec les vivants. Elle échange avec son partenaire sur la construction de la séance de travail du jour. Elle parle de technique super classique. Il est question de pirouettes et d’arabesques. Pour le moment, elle ne dit pas le mot sale, elle ne dit pas « jazz ». Elle se présente à nous en tenue de ville, avant de passer au vestiaire.
Pourquoi la danse jazz est-elle si méprisée ? On lui associe nombre de figures populaires très grand public, à commencer par le film Fame. Pour le secteur chorégraphique, les bras qui se lèvent, les dos qui se creusent, les attitudes sexy sont rattachés à une image peu intellectuelle. C’est un combat esthétique entre la danse de lignes (dos droits) et la danse de courbes (dos cambrés).
Matt Mattox était un contemporain de Trisha Brown et de Merce Cunningham, à ce moment-là de l’histoire, il pose un mouvement qui est une rupture avec la danse classique et qui est légion dans les comédies musicales américaines (West Side Story…).
Carole Bordes danse. Elle danse jazz, et cela n’a rien à voir avec tous les stéréotypes que cette esthétique charrie. Les lignes sont courbes et les courbes sont droites. Le geste n’est pas manichéen. Elle danse avec une belle intensité. Sans dogmatisme, elle nous transmet la méthode Mattox qui accompagnait ses enseignements de percussions. Il aimait aussi les images. Carole Bordes suit le maître en l’invitant sur scène, via des images d’archives. Elle a pu le rencontrer, à la fin de sa vie, il enseignait encore, elle raconte qu’« il fallait deviner le mouvement dans son corps ». La pièce est un témoignage sensible et joyeux sur le plaisir de danser cette danse-là. Carole Bordes, en incarnant cette méthode, la complexifie, la vide de toutes les idées reçues.
Du 2 au 20 juillet, les jours pairs, à LaScierie. Durée : 45 minutes.
À noter, LaScierie accueille également le super queer festival Q du 7 au 12 juillet.
Visuel : © Carole Bordes
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