« Maggie the Cat », la house au toit voguing de Trajall Harrell

Dans une villa du sud des États-Unis, la famille se réunit pour fêter l’anniversaire du patriarche malade, Big Daddy. Sur le plateau de la Grande Halle, Big Daddy est Perle Palombe et Big Momy est Trajal. Tous les deux se tiennent au bord de la scène, comme le veut la tradition des spectacles du directeur du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble. On note des paravents et des vêtements qui descendent des cintres. La fête, ou plutôt le défilé, peut commencer. Dans le désordre passent Stephanie Amurao, Maria Ferreira Da Silva, Titilayo Adebayo, Helan Boyd Auerbach, Vânia Doutel Vaz, Rob Fordeyn, Challenge Gambodete, Christopher Matthews, Nasheeka Nedsreal, Tiran Normanson, Songhay Toldon, Ondrej Vidlar. Tous et toutes prennent ces tissus, ces objets du quotidien. Iels se mettent en ordre de fierté et de puissance. En cinquante minutes, Maggie the Cat fait une procession de l’histoire des Houses.

Ce spectacle est un hommage clair aux Houses du XXe siècle. Il pointe avec des déhanchés extravagants cette idée de la grande illusion. Une robe de bal ? C’est un drap. Des basques ? C’est un oreiller, et ainsi de suite. Il fait du beau avec du rien. Il remplit l’espace vide de gestes vastes. Les poignets se cassent, les jambes se plient presque en duckwalk. La battle est bienveillante. C’est une ritournelle dont on sort en fredonnant « Maggie the cat, the wonderful wonderful cat » et en faisant des petits sauts pas vraiment de chat dans la rue.

On y retrouve Trajal vraiment danseur, comme dans Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church. Sa puissance est évidente même s’il ne chute pas, ne saute pas. Il est tout en fluidité, il vole presque. Maggie the Cat est un spectacle aussi triste que beau. Il brille par son honnêteté et ses références à un monde presque disparu.

Le voguing, et c’est tant mieux, est devenu universel, un élément de pop culture même depuis que Madonna s’en est emparée.  Maggie, elle, marche sur le toit brûlant de Paris is Burning, de cette communauté queer passée au bûcher du sida.  Contrairement aux facéties factices de The Romeo, ici, Trajal danse et fait danser avec le cœur. Cela donne des lignes ondulatoires enivrantes. On en redemande.