Dans le cadre de la saison lituanienne en France, le Théâtre de la Ville poursuit sa proposition de focus en faisant se rencontrer les œuvres de Rachid Ouramdane, Lora, et de Dovydas Strimaitis, Hairy. Une soirée qui fait tourner la tête…
La danseuse Lituanienne Lora Juodkaité tourne depuis toujours. D’abord en cachette, c’est aujourd’hui sur scène qu’elle réalise ses mouvements giratoires. Dédié à la danseuse, Lora est un véritable portrait intime chorégraphié par Rachid Ouramdane avec beauté et sensibilité.
Au-delà de la performance spectaculaire, le tournoiement fait partie de Lora. La danseuse emballe son cœur pour s’entendre respirer, elle transporte les spectateurs et spectatrices dans son intériorité. Tournant de plus en plus vite, c’est le monde qui se met à tourner autour d’elle. On la regarde s’élever dans un autre univers, Lora s’expose à nous. Son corps se déforme sous l’effet des circonvolutions, sa tête semble se détacher, les mouvements traversent son corps.
Les images stroboscopiques crées par les ombres de la danseuse amplifient la transe, accélèrent le tourbillon. Lora voyage et l’on voyage avec elle, guidé·e·s par ses mots, par son souffle. On comprend que « la réalité ne contrôle pas tout ». Comme dans un rêve lucide, elle se laisse porter tout en portant son monde. Les tournoiements sont pour elle un moyen d’expression, un refuge prophylactique.
En regard de ce premier tableau et toujours sur la thématique de la rotation, Hairy libère les cheveux des danseur·euse·s. Car c’est par les cheveux que Dovydas Strimaitis a choisi de s’exprimer. Comme des filaments qui s’agitent en réaction aux vibrations des beats et pulsations mélodiques, les belles crinières des performeur·euse·s vont et viennent, se dressent et se relâchent. Le chorégraphe Lituanien a proposé plusieurs versions de Hairy pour la saison lituanienne en France, en solo ou quatuor. Au Théâtre de la Ville ce sont quatre personnes en combinaison noire aux reflets argentés qui déploient leur chevelure vers le sol.
Dans une position qui semble assez inconfortable, les danseurs et danseuses sont tête vers le bas et font danser leurs cervicales pendant de longues minutes. Les cheveux sont pensés comme une extension du corps, un membre en plus contrôlé par les girations de la tête. Brillants sous les spots de lumière, ils enflamment les corps, font disparaitre la tête. Ce mouvement, répété à l’infini, est rattaché à la symbolique des cheveux flottants, à leur revendication de liberté. L’image est belle, l’idée intéressante mais l’on se lasse malheureusement trop rapidement de ce que l’on regarde.
Le caractère obsédant de l’étrangeté de ces êtres qui performent devant nous est à la fois captivant et dérangeant. Les danseurs et danseuses semblent finir à bout de force, prisonnier·ère·s de mouvements dont la variété est soit trop, soit pas assez développée.
Visuel Lora :
Photo du spectacle Dans le noir on voit mieux, Rachid Ouramdane, avec Lora Juodkaite,
Chaillot nomade au Musée de l’Homme, Paris, le 5/02/2022
© Laurent Philippe
Visuel Hairy :
© D. Matvejev