Danse

Les Nuits d’été du chorégraphe Christophe Garcia à l’Opéra de Rennes

par Nicolas Villodre
26.10.2023

Nuits d’été indien ou de prémices d’automne, en tout cas l’occasion pour l’Opéra bretillien, après celui d’Avignon et avant ceux d’Angers et de Massy, de programmer ce spectacle au parfait dosage de poésie, musique et danse.

Quoi de plus surnaturel en somme

Nous entrons par les coulisses du magnifique théâtre circulaire jouxtant la mairie, les maisons à colombage, les rues pavées et commerçantes. Un théâtre à échelle humaine conçu par Charles Millardet à l’époque romantique, rebâti après un incendie au milieu du XIXe siècle. Les musiciens se préparent à faire de même tandis que les danseurs s’échauffent au vu et su du public déjà installé, cet entraînement physique étant inclusif du ballet. Nous marchons, droits dans nos bottes, tandis que le chef, son petit ensemble musical et la troupe de sept intermittents, pour ne pas dire mercenaires au service de Terpsichore, se présentent à l’audience pieds nus, en adeptes d’Isadora. Laquelle nous vîmes réincarnée sur cette même scène par Elisabeth Schwartz, il y a quinze ans.

Il est question de métempsycose, d’animisme et d’étrangeté dans les Romances composées par Hector Berlioz en 1841, inspirées du recueil poétique de son ami Théophile Gautier, La Comédie de la mort (1838). Ce dernier a marqué le ballet romantique avec son livret de Giselle (1841), à base de willis, figures fantomatiques de défuntes. Mais aussi par son poème Le Spectre de la rose, qui fait partie des six thèmes de Berlioz retenus par Christophe Garcia. Berlioz rebaptisa L’Invitation à la danse (1819) de Carl Maria von Weber après l’avoir orchestrée en 1841 Invitation à la valse. C’est sous ce thème de Weber que Fokine créa pour les Ballets russes en 1911 la chorégraphie ayant pour titre… Le Spectre de la rose, en hommage à Gautier et au ballet blanc qui fut marquée par un saut exceptionnel de Nijinski sortant de scène côté jardin.

Les feuilles d’automne

À quelques mètres du sol, dans le décor dépouillé de François Villain, sont suspendus quatre ballots étranges et inquiétants qui n’ont rien des nuages argentés gonflés à l’hélium d’Andy Warhol (les Silver Clouds que lui inspira Dalí) pour le ballet RainForest (1968) de Merce Cunningham. Un à un, ces paquets de linge de forme humaine chutent bruyamment et donnent le ton et le top départ de la pièce. Cette funeste pesanteur contraste avec la légèreté empruntée par Berlioz, subtilement restituée par le chef Nicolas Simon, ses musiciens Vincent Buffin (harpe), Elsa Loubaton (clarinette, clarinette basse), Antoine Paul (violon, alto), Tristan Pereira (percussions), Amélie Potier (violoncelle), Coline Richard (flûte), brillamment chantée par la mezzo-soprane Anna Reinhold.

La chorégraphie s’intègre au mieux à la musique. Les instrumentistes, par endroits, s’insèrent dans le mouvement d’ensemble. Aux thèmes classiques de Berlioz a été ajoutée une musique électronique assez planante signée Laurier Rajotte (Le Septième poème), qui permet à toute la troupe de faire chorus dans la partie finale, laquelle constitue un ballet dans le ballet. Nous avons été particulièrement sensible aux prestations acrobatiques du danseur issu du hip-hop, Kiryl Matantsau, ainsi qu’aux pas de deux et aux solos virevoltants de l’aérienne et toujours juste Nina-Morgane Madelaine.

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