Dans le hall silencieux de la Collection Lambert, à l’heure où le soleil pique déjà fort, Cindy Van Acker convoque la lenteur comme une forme de réveil. Avec Les Impromptus, elle propose chaque matin une performance in situ, composée dans l’instant, en dialogue avec l’espace d’exposition.
Les premiers instants ont quelque chose d’infime. Une respiration, la tête qui s’incline, les yeux fermés dans la lumière. Une silhouette en tee-shirt et jogging tangue doucement. Dans les mots entendus, c’est l’hiver. Cela a quelque chose de cocasse alors que tous et toutes, armé·e·s de prospectus ou d’éventails, cherchons déjà la fraîcheur à 10 h du matin. Elle, au contraire, accueille le soleil. Le geste se soulève lentement, comme on sortirait d’une longue hibernation.
Nous apprenons que chaque matin, la chorégraphe genevoise installe sa pièce dans une nouvelle salle de la Collection Lambert. Cela donne furieusement envie de tout annuler pour y aller chaque jour, voir ce solo devenir un quatuor, tout en respirations et en lignes précises. L’interprète cherche un point d’équilibre entre fragilité et tenue. La lenteur n’y est jamais décorative : elle est une exigence musculaire, une tension interne. On devine le relâchement des paupières comme celui de la langue. Progressivement, elle atteint un soupçon de marche. Un duo surgit, dos à dos. Il est temps de se déplacer. Ce 10 juillet, nous sommes au cœur de l’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot, prototype pour Scanner. Pour la petite histoire, cette œuvre fut présentée dans le pavillon français de la Biennale de Venise en 2015. C’est chic. Elle se compose d’un ballon d’hélium équipé d’un micro qui explore l’espace. Propulsé par un ventilateur, il génère des larsens modulés en temps réel par huit haut-parleurs répartis autour de la pièce.
Au milieu, on trouve un duo, rejoint par la danseuse qui nous a cueilli·e·s dans la fin de son hibernation. Elle reste en dehors, tandis que le duo, toujours dos à dos, explore le point de bascule, les bras en crochet. La soliste, désormais éveillée, est attirée vers l’arrière, jusqu’à glisser au sol. Un quatuor se forme, ramassé, puis se défait. L’une reste seule debout, solide, les épaules en opposition. Chaque geste semble d’abord venu du souffle. On entre dans un espace de vigilance douce, un état de présence que la danse rend visible.
Avec Les Impromptus, Cindy Van Acker orchestre une expérience chorégraphique minimale et mouvante, qui échappe à la démonstration. Pas de début net, pas de fin spectaculaire. Juste un seuil, un déplacement, une matière en transformation constante. Celle qui a tant travaillé avec Romeo Castellucci sait nous apprendre à regarder avec attention.
Ce moment, aussi suspendu que ce ballon, est un rendez-vous à ne pas manquer.
La pièce est présentée dans le cadre de La sélection suisse, à la collection Lambert du 11 au 16 juillet – 17h (relâche le 13 juillet).
La sélection suisse se tient dans plusieurs lieux, tout le programme est là
Visuel : ©Pascal Gely