Le vol magnifique de « Phénix » au Off d’Avignon

Un fil invisible les relie

Le rideau s’ouvre. Une douche d’un blanc cristallin s’allume et éclaire une femme vêtue de rouge, Garance Boizot. Elle trône sur un traîneau fait de bois, la viole de gambe s’élève devant elle, majestueuse. Débute alors une musique douce, calme, qui annonce un réveil, celui des quatre danseu.r.se.s assi.se.s autour d’elle. Ils se lèvent dans des mouvements souples et amples, leurs corps sont au ralenti, ils flottent dans les airs, en suspens.

Entre corps et musique se tisse un fil invisible. Les danseu.r.se.s sont mu.e.s par une force incontrôlable et leurs corps entiers réagissent au son de cet archet glissant sur les cordes. Garance Boizot est un chef d’orchestre qui dirige, non pas des instruments, mais des corps en mouvement. Elle est une marionnettiste, les danseurs ses pantins et elle les manie grâce aux vibrations de sa viole, qui se prolongent dans le mouvement. Le danseur Aymen Fikri en ressent toutes les ondes, son corps convulse et son regard ne quitte pas la musicienne qui sourit, elle semble prendre plaisir à lui ôter sa volonté, à contrôler chaque parcelle de son corps.

Un ballet de corps et de sons

A la viole de gambe se joint une musique électro – composée par le multi-instrumentiste Arandel – qui accroît le rythme, le rend plus palpable. Sur cette musique additionnelle, comme par vengeance, les danseu.r.se.s se saisissent de la viole et dansent avec, sous le regard terrifié de Garance Boizot. Cet instrument si fragile se retrouve en proie au mouvement, il franchit les espaces, passant de main en main. On se le dispute, on le jette, dans un rythme toujours plus soutenu accru par l’orgue et le métronome. La musique s’emballe, les corps la suivent et tout devient énergie. Les danseu.r.se.s sont légers, ils bougent sans bruit, se soulèvent et tout comme eux, on est transcendé par ce que l’on voit et entend.

Phénix est un ballet de corps et de sons, un dialogue magnifique qu’il est impossible de lâcher du regard. On se laisse prendre par les sonorités, elles entrent en nous et notre corps tressaille. Solo, duo, trio, quatuor, unisson, les formes chorégraphiques se multiplient dans un perpétuel renouvellement. L’espace scénographique se dessine sous des lumières aux couleurs et modelés changeants. De Phénix transparaît une aura cosmique, fantomatique, prodiguée par la musique, les ondulations corporelles des quatre danseurs éclatants et d’une instrumentiste à la présence envoûtante.