Et voilà, c’est lancé, la vingt-sixième édition du festival de danse très pluriel a ouvert ce 15 janvier, avec une leçon d’humour suisse : Forever de Tabea Martin.
Dans un décor blanc années 2000, Tamara Gvozdenovic, Benjamin Lindh Medin, Emeric Rabot, Daniel Staaf, Miguel do Vale nous attendent en costumes en vinyle tout autant immaculés que les ballons qui sont accrochés aux cintres et au sol. Ils et elle fredonnent une mélodie de Mozart. L’image est espiègle et gentiment décalée.
Le quintette propose une pièce à vivre, sérieusement et précisément, au dixième degré. Les références au monde d’avant sont légion et franchement parodiques. La plus évidente est l’attaque faite aux esthétiques des années 2000. Un bidon de larmes (L’Histoire des larmes, 2005) et un bidon de sang (Je suis sang, 2001) sont deux références claires à ces deux pièces de Jan Fabre. Pour rappel, l’artiste vient de purger une peine dix-huit mois de prison avec sursis (2022-2023) pour harcèlement sexuel et attentat à la pudeur. Plus légère, la présence de ballons sur une scène de danse convoque immédiatement la scénographie iconique d’Andy Warhol pour Cunningham (Rain Forest, 1968).
Vous l’aurez compris, la beauté ne s’invite jamais, l’humour (voire, carrément, la déconnade) en est le fil conducteur. Dans sa construction, Tabea Martin prouve qu’elle maîtrise tous les codes de la danse contemporaine. Elle sait amener un mouvement collectif expressif. On se tient la tête, on laisse les bras raides se débattre, on crispe le corps en serrant le torse. Elle et eux nous parlent avec un ton de mauvais dessin animé. Elle et eux soulignent tout, les mots et les mouvements.
Les gags se succèdent dans cette frivolité avec un seul objectif : nous faire oublier que c’est grave, très grave même, puisque, alerte : pour toujours n’existe pas. Que ce soit mordu par un lion, empoisonné ou en chutant d’une falaise, à la fin, tout le monde meurt.
Visuel : © Nelly Rodriquez