La techno d’Alban Richard et le Hip hop de Sandrine Lescourant ouvrent la saison du Théâtre Louis Aragon
par Amélie Blaustein-Niddam28.09.2025
La danse, la forêt et la solitude. Vous vous souvenez de cette trend énorme qui avait envahi nos réseaux l’année dernière ? Eh bien, le Théâtre Louis Aragon a pris la tendance au pied de la lettre pour ouvrir sa saison, en présentant deux projets qui ont en commun l’individu dans le collectif : Exalte d’Alban Richard et le Hip Hop Guided Tour de Sandrine Lescourant.
Neuf podiums, bien séparés
Tout commence dans l’immense parc de la Poudrerie à Vaujours, dans le 93. C’est beau à se damner. Des allées à la française sont entourées d’une dense forêt. Sur ce qui s’apparente à une prairie très civilisée, nous retrouvons la bande d’Alban Richard : Anthony Barreri, Constance Diard, Max Fossati, Mélanie Giffard, Célia Gondol, Alice Lada, Zoé Lecorgne, Anka Postic et Chloé Robidoux. Chacun·e sur un petit podium. Nous avons la sensation d’être transportés à la Villa Borghèse, où des statues baroques prendraient doucement vie. Les costumes superbes laissent, pour certains, passer la lumière du soleil miraculeusement présent ce samedi. Ces statues prennent vie en secret, minutieusement : elles cherchent loin un mouvement doux et ample qui vrille les torses et soulève les bras sans drame. Puis, elles deviennent des reines de club, celles qui se montrent sur les podiums et donnent tout en rythme. Alors, il se passe cette chose magique où l’ensemble devient possible alors que jamais personne ne regarde à gauche ou à droite.
Un rassemblement
Le son se fait de plus en plus dancefloor, Alban Richard balance une techno bien calée sur les battements du cœur. Le public, qui entoure ou déambule entre les danseurs et danseuses, bouge aussi, un peu, et cet *Exalte* devient réel : une exaltation, une vraie, un vrai plaisir de les voir danser et surtout une vraie envie de les rejoindre. Alors, les singularités acceptent de vivre ensemble. Ensemble, oui, mais pas exactement. Le mouvement devient unique et répétitif — par exemple, pour l’un, une torsion, les bras à l’équerre, d’un côté puis de l’autre, à rythme soutenu. Le tempo est le même pour tous et toutes, ce qui donne une allure d’unité alors que personne ne fait le même geste que l’autre. Le climax nous entraîne dans une marche qui nous posera dans une position de regard encadrant une espèce de kiosque rectangulaire. Là, au niveau du sol, les interprètes reprennent leurs saccades et leurs martèlements en étant réunis, mais là encore, c’est chacun pour soi. Mais rassurez-vous : la pièce d’Alban Richard avance vers une bonne nouvelle, vers une humanité où la techno agit comme une messe laïque.
What time is it ? Funky time !
Une légère marche plus tard, et nous changeons d’atmosphère pour entrer dans un cours de hip-hop qui n’a rien de scolaire. On retrouve Sandrine Lescourant entourée de fidèles : Biro, Funky-J, Abraham Diallo, Sweet et Mab’ish — lisez : des icônes de la danse. Tout commence en cercle, où chaque danseur et danseuse montre ce qu’il ou elle a dans le ventre. C’est généreux à souhait, puis l’affaire devient plus intime. Nous allons, munis de nos écouteurs et de la radio du théâtre, suivre la biographie de ces artistes, un·e par un·e. Notre parcours nous amène à suivre Funky-J, fascinée par le Locking. Elle raconte ses premiers pas, la découverte de cette danse funk inventée… par erreur. Elle en profite pour nous en donner la preuve par l’exemple. Pour nous, il est temps de reprendre le train en direction de Paris, sans voir Sandrine traverser un pont, tremblant comme elle sait si bien le faire, allant jusqu’à la chute et se relevant. La soirée s’est prolongée avec deux pièces d’Amala Dianor, un banquet (gratuit !) et un DJ set.
Une belle scène, toute l’année
Si le nom du Théâtre Louis Aragon vous parle, c’est que, pendant chaque festival d’Avignon, il s’installe à la Parenthèse pour délivrer, lors de trois séquences — dont une avec le Label Danse Dense — l’essence de sa programmation. Chaque année, on y voit le militantisme acharné d’Emmanuelle Jouan pour une culture publique ouverte sur tous les territoires, et chaque année, on y découvre des artistes qui croisent celles et ceux qui ont grandi grâce à cette maison, comme… Alban Richard, Sandrine Lescourant et Amala Dianor, par exemple. Ce lien est très unique à ce lieu. Parfois, Avignon fait oublier la richesse de la programmation à l’année, à Tremblay, à 45 minutes de Châtelet : trente de train et quinze de marche. Cette saison, vous pourrez retrouver des artistes dont nous suivons le travail à la rédaction de Cult News : Youness Aboulakoul, Jonathan Guichard, Hortense Belhôte, Simon Roth, Mellina Boubetra, Anna Nozière, Mélodie-Amy Wallet, Penda Diouf…
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