Événement

L’événement, car c’en est un, est à prendre dans tous les sens que ce mot peut avoir en anglais. Celui d’une chose qui advient, d’une manifestation qui rompt avec le quotidien, d’un cas exceptionnel, d’une soirée festive mais aussi d’un fait divers tragique, d’un incident ou accident. D’une épreuve sportive et d’une performance dans ce domaine ou dans celui de l’art. L’event, dans ces cas-là tient déjà de la performance, du happening, de l’action. John Cage aussi bien que George Brecht et le groupe Fluxus l’introduisirent dans leur lexique et en firent leur miel.

Normal, par conséquent, qu’une danseuse moderne comme Carolyn Carlson ait produit, elle aussi, tout une série de pièces autour de cette notion d’event. Autrement dit qu’elle en ait joué depuis plusieurs années déjà jusqu’à l’intégrer totalement à sa propre manière, prenant, par des moyens pouvant encore surprendre de nos jours un public balletomane ou conformiste, le risque de le désappointer. Elle a voulu faire évoluer son style, l’adapter à sa façon d’être, élargir le domaine de ce qu’a été et est encore la danse – y compris celle dite «contemporaine» – à l’exemple de ses pairs de la postmodern,  qui avaient pour parangone  une Anna Halprin.

Panorama

Dans la deuxième salle en ellipse vouée aux panneaux monumentaux du peintre impressionniste par excellence, devant une des toiles du petit matin bornée par des saules sans doute pleureurs, a lieu le spectacle. Carlson ne s’offre du tout en solitaire, comme cela lui est souvent arrivé et lui arrivera encore. La svelte Californienne adoptée par la France est entourée d’un comédien, Rémi Bichet, d’un violoncelliste, Pierre Le Bourgeois et de deux danseuses, Céline Maufroid et Sara Orselli, lesquelles évoluaet pieds nus dans leur robe noire. La chorégraphe est, quant à elle, chaussée de cuir fin de type Trippen et vêtue d’un costume masculin – une veste courte et un pantalon pattes d’eph.

En une cinquantaine de minutes, le quatuor improvise sur des thèmes musicaux allant du répétitif au jazz, en passant par le contemporain, sur des textes en anglais de Carolyn herself, d’autres en français et dits par cœur par le comédien, sur des suites gestuelles ou de séquences balisése par les deux interprètes de la compagnie. Le tout est plaisant à voir. Le programme résume l’apport de la créatrice, son style limpide, fluide et ciselé. Sa diction est claire, tout aussi rythmée que le jeu du musicien. Le panoramique ininterrompu dans la vie de la chorégraphe convient bien à l’univers des huit compositions que Monet qualifiait d’«onde sans horizon et sans rivage».