kazatchok, embaumement et verticalité en ouverture de la Belle Scène Saint-Denis

Entrée fracassante : Uzee Rock, l’homme aux chevilles d’acier

Tout commence avec l’entrée en scène spectaculaire d’Uzee Rock, le B-Boy ukrainien de renommée mondiale. Là, comme ça, devant nous à 10h du matin, dans le joli lieu qu’est La Parenthèse. Olga Dukhovna signe Crawl, sa nouvelle création. Après s’être passionnée pour la danse classique, elle s’attaque ici aux danses dites « accroupies ».

Lui, au look mi-biker mi-urbain, a des mollets en béton armé. Le voilà à 50 centimètres du sol, virevoltant au son d’une danse qui rappelle le kazatchok. Son centre de gravité est sérieusement bas. Il offre une flexibilité de chevilles et de genoux hallucinante. L’homme est complètement entremêlé : c’est ce point-là qu’Olga Dukhovna étudie. Quelle est la part de tradition et de modernité dans ce geste ? Uzee Rock change de tempo et y insuffle une bonne dose de breakdance, enchaînant des équilibres sur une main, le corps parallèle au sol. Le regarder danser est enivrant, obsédant.

La performance interroge le rapport à soi : il tourne sur lui-même, ralentit, retrouve de la verticalité, le temps de se remettre de ses émotions, puis, conscient de lui-même, offre un tour de piste speed en petits pas, toujours les genoux pliés, sourire vissé. Ce mec est un dieu, sa danse peut vaincre toutes les guerres.

Il vaut mieux en rire

Mais est-ce que la danse peut défier la mort ? C’est en tout cas la proposition de Clémentine Maubon et Bastien Lefèvre dans Mortal Soma. Ces deux-là interrogent les états des corps sportifs. Nous les retrouvons en mode calme, et surtout en trio. En compagnie de Mathilde Bonicel, ils et elles s’amusent sérieusement à s’appuyer les un·es sur les autres. Triangles parfaits, planches impeccables. On voit poindre dans leurs regards une dose d’humour, mais qui reste très discrète.

Il nous faut un peu de temps pour comprendre que ces trois-là se font beau et belles pour leur dernier souffle. Comment faire un beau cadavre ? Il faut visiblement avoir le dos droit, le bon sens de l’équilibre, et un diaphragme en bon état de marche… encore un peu.

AYTA : le cri des corps debout

La dernière partie du programme nous ramène à la vie. Nous découvrons Nefeli Asteriou, Marie-Laure Caradec, Sophie Lèbre, Cassandre Muñoz, Anna Vanneau dans des tenues à la fois très sexy et très sport : hauts en mesh, corsets, shorts et baskets ou chaussures de boxe aux pieds. On le comprend, leur danse verticale, comme un balancier, est un geste de lutte contre l’oppression, collective ou intime.

La pièce, à la fois cri et rituel, déploie une chorégraphie radicale autour du pli, signe de résistance plus que de soumission. La musique qui donne son nom à la pièce, ayta, est un chant populaire marocain. Elle agit comme une colonne vertébrale dramatique, marquant la tension entre contrainte et révolte, jusqu’à un unisson sororale, efficace.