Chalon Dans La Rue : « Josianes ou l’art de la résistance », et si la révolution féministe m’était dansée

Le Corps et la Poésie

Josianes où l’art de la résistance, ou comment porter un parole coup-de-poing avec humour, sensibilité, du corps et de la poésie. Face au public se dresse un décor comme on en voit pas si souvent, une façade d’immeuble à deux étages dotée de quatre fenêtres et d’une devanture de magasin en rez-de-chaussée. On nous prévient tout de suite de ne pas tenter d’en faire le tour, pour ne pas être déçu·es de l’artifice : mais, cette blague mise à part, il est toujours plaisant de voir un décor soigné et un peu monumental dans l’espace public… avec une esthétique kitschouille parfaitement voulue et assumée. Surtout quand il est habité par quatre femmes à l’énergie peu commune… même si on les découvre d’abord alors qu’elles tirent quatre chaises longues pour prendre le soleil au pied de leur immeuble.

Elles chantent, elles dansent, elles virevoltent, elles se révoltent aussi quand des documents d’archives sonores misogynes ou des témoignages de violences sexuelles leur viennent à l’oreille. L’une d’elle, Una Bennett, est cordiste, et maîtrise fort bien son agrès : tout en livrant son témoignage, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, elle enchaîne les figures, les montées et descentes avec assurance. Une autre, Rachel Salzman, est spécialiste de la roue Cyr, et en fait une courte mais convaincante démonstration, au plus près des spectateur·rices. Toutes, surtout, dansent, y compris à la verticale sur la façade, et c’est simple et beau, plutôt très bien coordonné.

Une sensibilité à fleur de peau, la révolte dans les os

Cette qualité chorégraphique ne doit pas étonner : la porteuse de ce projet, Julia Spiesser, a des décennies de pratique chorégraphique, et Betty Mansion, qui est la quatrième de la troupe, est également danseuse professionnelle. C’est donc à un mariage, pour le coup réussi, entre cirque et danse, que convient les Josianes. Globalement, l’équilibre est parfait : rythmé par les chansons, le spectacle fait une juste part à la danse, au cirque, à des éléments théâtralisés, avec une alternance entre un dynamisme joyeux, un humour mordant, un militantisme fondé. Ces quatre personnages sont libres, vivantes, imparfaites peut-être mais combatives, pas surhumaines et donc pas inaccessibles.

C’est sans doute là que se situe le grand atout des Josianes, en plus de leur énergie débordante et de leur capacité à projeter des émotions bien contrastées : elles arrivent à créer un lien fort avec le public, en étant fantasques, maladroites, vulnérables, en colère, comme des personnes tout ce qu’il y a de plus « normales ». Et cela les sert dans le fond de leur propos, militant, féministe, qui rejette les inégalités, la violence, les diktats, par touches intelligemment dosées. Et l’investissement des interprètes, spécialement à la fin du spectacle, où leurs quatre voix s’unissent en un chœur vibrant, emporte tout sur son passage. Vivifiant, émouvant, enthousiasmant !