Le Festival d’Automne dresse le portrait de François Chaignaud. Chaque artiste décide du fil conducteur qu’il souhaite donner à cette retrospective et le danseur et chorégraphe a choisi de passer par les duo qui ont marqué sa carrière, l’occasion révée de revoir comme il y a 5 ans à la Maison de la Musique de Nanterre, le délicieux et truqulent Gold Shower qu’il performe avec la star du butô, Akaji Maro.
Il y a cinq ans donc nous découvrons ce pas de deux à la gémélité confondante malgrés des différences flagrantes : 30 ans et 13 689 kilomères les separe, et pourtant entre ces deux icônes de la danse, l’évidence est là. Et, il y a plus d’un demi-siècle, Akaji Maro fondait la compagnie Dairakudakan, devenant l’une des figures tutélaires du butô. C’est lui qui apparaît le premier sur scène, et, l’espace d’un instant, tout semble presque classique. Le crâne est presque rasé, hormis une fine queue de cheval d’un blond improbable, le corps, intégralement couvert de blanc, s’étire dans une longue robe effilochée couleur chair fanée. Lentement, iel se met en mouvement sur la structure du décor : un spa, un sanctuaire, mystère. Des lignes, des volumes, un bassin rectangulaire au centre. Tout vibre, les doigts, les paupières, la peau. Le corps paraît suspendu, animé d’une vitesse étrange, comme glissant sur un souffle.
Puis François Chaignaud émerge de l’eau dans un cri muet qui contracte chaque muscle. Iel est doré·e de la tête aux pieds, vêtu·e d’un simple string lamé, la perruque plaquée et crantée contre le crâne. La rencontre peut advenir. Akaji Maro se métamorphose soudain, une Marie-Antoinette zombie, perruque jaune sale éclatée, silhouette spectrale.
Né en 2013 à l’initiative du maître japonais, le projet porte pourtant fortement la signature Chaignaud, fascination revendiquée pour les danses et esthétiques du début du XXe siècle. Ensemble, iels composent huit tableaux, de La lignée de l’extase au Couronnement de la mort. Leur duo raconte, à travers un théâtre dansé, une passion faite de domination et d’abandon, où les yeux et la bouche deviennent matière à mouvement.
Une scène marque les esprits, Chaignaud, corseté·e à l’extrême, tiré·e par des cordes comme un char vivant, conduit·e par Akaji Maro. La chorégraphie, hallucinée, alterne géométrie ciselée et fureur convulsive, entre sculpture art déco et décharge de transe.
Le sous-texte n’est jamais loin, de la gold shower à l’erotique golden shower, il n’y a qu’un souffle. L’exaltation, ici, c’est celle des corps poussés à la limite. François Chaignaud déploie ses courbes comme des éclairs, iel tord, désaxe, érige des lignes vertigineuses. Akaji Maro, monumental·e, joue des accélérations et d’un humour ravageur qui sidère.
Chaque tableau redouble d’inventivité, porté par les costumes en plexi fluorescent de Romain Brau, donnant aux danseur·euses des allures de drag queens célestes, un peu halluciné·es. C’est drôle, souvent splendide, totalement barré.
On ressort abasourdi·e, avec la sensation rare d’avoir assisté à quelque chose d’inédit. Et sur les dernières notes de Nino Rota, La passerella di otto e mezzo, tout prend des airs de cirque décadent ou de film muet retrouvé. Ne rater pas cette occasion de voir ou de revoir l’un des plus spectacles de la carrière de François Chaignaud
À voir du 21 au 23 novembre à la Maison de la musique de Nanterre – Scène conventionnée d’intérêt national
Visuel : ©Adelap