« Gesualdo Passione » Tenebrae responsoria d’Amala Dianor

Les artistes entrent lentement un par un. Danseurs et choristes, tout de noir vêtu, s’approprient progressivement le plateau. Leur présence austère signe le tragique de Gesualdo Passione, spectacle autour des Répons du compositeur napolitain Carlo Gesualdo (1566-1613). Dans un même partage de l’œuvre, ils forment un chœur. Les voix des chanteurs et les corps des danseurs fusionnent pour dire la douleur et les souffrances des derniers jours du christ. L’espace scénique est sans fioritures ; un plateau sans accessoires, en fond de scène un écran sur lequel se joueront des effets de corps en ombres chinoises pour souligner certaines scènes. La scénographie lumière conçue par Xavier Lazzarini, faite de néons verticaux qui changent de couleur selon les Répons, nous accompagnera dans ce voyage christique. La retenue mais peut – être aussi le recueillement est de mise, la qualité d’attention des spectateurs est perceptible dans la salle des concerts de la cité de la musique. 

Un langage sensible et puissant

Le chorégraphe Amala Dianor est là où on ne l’attend pas. Délaissant son langage habituel – Amala Dianor vient du hip hop- il s’aventure dans une danse expressionniste qui répond aux tonalités dramatiques du texte et au chant « a capella et par cœur » des chanteurs deux ténors, deux sopranos, un baryton et un baryton basse. L’écriture musicale est très éloignée des propositions du compositeur électro-soul Awir Leon créateur habituel des musiques de ses spectacles depuis 2014… Par ailleurs, Il a choisi pour cette création de travailler avec des danseurs d’origines et d’esthétiques diversifiées rencontrés au Burkina Faso, en Italie, au Sénégal, issus de formations classiques ou des danses urbaines. Pour les quatre danseurs- danseuses, la découverte de la musique baroque est un choc qui rend leur danse radicale. Dans un certain œcuménisme, Ils allient la puissance des corps à la tension émotionnelle émanant de bustes engagés et savent dans la nuance transmettre aux chanteurs une physicalité toute nouvelle. Ils peuvent aussi bien créer de beaux ensembles sensibles que marteler le sol ou faire le poirier et pour Damiano Bigi endosser la crucifixion. Les mouvements du haut du corps et des bras très présents pour les danseurs comme pour les chanteurs et les images du christ en croix résonnent dans nos imaginaires. Tous se livrent avec passion à cette Passione en acceptant le discours de la douleur et de la souffrance des derniers jours du christ. L’avancement vers les ténèbres est vécu par le chorégraphe comme « un chemin du corps » où se confrontent l’espoir, la détresse, l’acceptation. Les voix emportent vers le mysticisme. 

Collaboration contemporaine  

Les Arts Florissants, fondés en 1979 par William Christie, ont su vulgariser la musique baroque des XVIIe et XVIIIe siècles sans en atténuer la force expressive et le sens du « drame ». Paul Agnew a mené un travail sur la musique de Carlo Guesaldo dont l’aboutissement est cette création, contemporaine autant dans la forme que dans l’esprit. Sa collaboration avec un chorégraphe actuel n’est pas anodine, elle renforce la puissance d’un langage musical dramatique à l’expressivité incontestable. Un bel équilibre s’est constitué entre corps et voix.  C’est sobre, beau, efficace.  

Répons des ténèbres de Carlo Gesualdo

Chorégraphie Amalia Dianor, 

Direction musicale Paul Agnew, 

Création lumières Xavier Lazarini