Enfin, le Festival d’Automne consacre un portait au plus grand danseur de sa génération, François Chaignaud qui a brillé très récement dans Último Helecho à la Biennale de la danse de Lyon, explose l’espace fort cult du 7L, fondé en 1999 par Karl Lagerfeld pour retrouver son puissant chevalier.
Fracas × 7 ouvre donc le portrait que le Festival lui consacre. Ce portrait se compose de pièces qui ont marqué la carrière de François. Le fil conducteur est le duo, qui est peut-être la structure qui lui va le mieux. Il retrouvera Théo Mercier en octobre pour Radio Vinci Park (Reloaded). En novembre, il décline sa palette avec Romances inciertos, un autre Orlando (4-7 novembre, avec Nino Laisné), puis Mirlitons (12-16 novembre, avec Aymeric Hainaux) et Gold Shower (21-23 novembre, avec Akaji Maro). La fin du mois s’illumine d’Último Helecho (28-30 novembre, avec Nina Laisné et Nadia Larcher). En décembre, Chaignaud poursuit son exploration entre danse et musique avec Symphonia Harmoniæ Cælestium Revelationum (11-14 décembre, avec Marie-Pierre Brébant), puis retrouve Cecilia Bengolea pour Sylphides (17-18 décembre) avant de conclure l’année sur Revue des Tumerels (20 décembre, avec Geoffroy Jourdain).
Nous voici face à une sensation de déjà-vu. Nous retrouvons le même petit plateau de Mirlitons que nous avions découvert, déjà au Festival d’Automne, à la MC93, en octobre 2023. Comme à l’époque, François traîne Aymeric. Nous écrivions alors ceci : « Il tire à bout de bras un chevalier endormi ou blessé, qui sait ? Le bel inconnu semble impossible à réveiller. Le danseur tente tout : le faire glisser en grande seconde pliée, faire le poirier, le crâne posé contre son ventre. Est-il un ennemi ou un amant ? Qui sait. Évidemment, Chaignaud, qui arrive toujours à tout, le remet sur pied. On se rappelle qu’à la Biennale de la danse de Lyon il y a quelques jours, il défiait une moto en talons. D’ailleurs, Aymeric Hainaux n’est pas sans lien avec Cyril Bourny, le motard de Radio Vinci Park. Il est également casqué, mais d’une coiffe en cotte de maille pleine de médailles. » Alors, cette fois-ci Radio Vinci Park arrivera après, mais c’est la seule différence.
La comparaison s’arrête là. Fracas × 7 est une déflagration qui porte son nom. Un fracas en sept temps. En bord de scène, après le spectacle, le duo explique avoir eu envie de sortir de ce monde où tout est « binaire ». Au fait, nous avons oublié de vous tenir au courant de ce qui se passe une fois que notre danseur a remis son objet de désir en ordre de marche et de son. Eh bien, les rôles se mélangent. François Chaignaud et Aymeric Hainaux se parent de bâtons, qui les transforment en épouvantails vivants. Pour le premier, cela devient bientôt une pole dance basse qui lui sert de support à des pivots et des envols merveilleux, ponctués de cisaillements du sol grâce à ses chaussures de flamenco. Pour le second, les grelots qui parent son mât le transforment en homme-orchestre encore plus puissant.
À la frontière d’une battle hip-hop, tous les deux tapent encore, de leurs pieds et de leurs agrès. Fort, très fort, jusqu’à l’insupportable, jusqu’au climax. Ensuite, il faut donc redescendre vers un temps plus calme qui reste chargé de toutes les tensions qui ont fait trembler les corps et le petit plateau. Il ne s’agit pas de vous raconter le spectacle mais nous pouvons spoiler un peu en vous disant que ce fracas s’avère être un grand enlacement de douceur fort utile dans l’air du temps vicié. Nous l’avions déjà écrit à l’époque de Mirlitons, mais cela se confirme encore plus précisément deux ans après : c’est en réalité à partir de Mirlitons que Chaignaud a commencé à montrer son écriture par couches hybrides seulement liées par les possibilités inouïes de sa danse et de sa pensée chorégraphique. Il saute haut, vrille, creuse, s’élance. On l’a vu s’envoler encore plus fort dans Último Helecho et ce portrait sera l’occasion, depuis Sylphides, de comprendre l’apport dingue que cet artiste offre à l’histoire de la danse depuis une quinzaine d’années.
Le Festival d’Automne à Paris se tient jusqu’au 18 janvier.
Visuel : ©Helge Krückeberg