Elle est là, au fond de cette salle ronde. « Elle », c’est beaucoup dire. Pourquoi la nommer ainsi ? Peut-être parce que cette silhouette, recouverte d’un tissu lourd et opaque, convoque les silhouettes oppressées et muselées des femmes afghanes aujourd’hui. Mais très vite, on réalise notre erreur : cette « figure » est autre chose. Elle ressemble à un léviathan, un dibbouk, une présence obsédante qui effraie.
Cette figure, bien qu’unique, paraît multiple. La masse avance lentement. Est-elle vivante ? Elle semble porter quelque chose. On distingue deux têtes, qui, lorsque cette étrange sculpture se tourne, donnent l’impression de se rapprocher. Un baiser ? Une discussion ?
Le costume, imaginé par Jeanne Vicerial, se veut volontairement flou, tel un test de Rorschach grandeur nature. À l’instar du travail de sa sœur Nacera, pour qui elle a souvent dansé, Dalila Belaza explore la frontière entre ombre et lumière. En salle, ses pièces nous plongent dans des pénombres de plus en plus lumineuses. Ici, dans l’écrin bleu des Nymphéas, la lumière devient une matière à part entière, au même titre que le tissu et le son, eux aussi magnétiques.
Figures évolue vers une forme de libération, une acceptation des ombres pour mieux émanciper la danse. Comme dans Rive ou Cœur, le geste est au cœur de l’écriture des sœurs Belaza : un lâcher du poids du corps, qui se renouvelle et se transcende dans des mouvements amples, élevant les bras comme une incantation.
Une fois encore, Dalila prouve sa place dans le paysage chorégraphique. Son écriture, entre plasticité et mouvement, est essentielle, car elle redessine sans cesse les contours des figures et des représentations.
Figures, dans cette version performative, était présentée en date unique dans le musée de l’Orangerie. Mais, la danse revient bientôt dans les Nymphéas, le 18 novembre avec le génial et très pop Fantasia de Ruth Childs, à 19h et 20h30. Le Festival d’automne, lui, continue de dicter l’alpha et l’oméga de la saison, tout le programme est ici.
Visuel :© Tanja Kernweiss