Dans ce solo, dansé et écrit par ses soins, Mohamed Toukabri tente un portrait de ses origines, de ses héritages et de ses luttes.
Mohamed Toukabri a, comme Olga Dukhovna , Nemo Flouret, Solène Wachter ou encore Zoé Lakhnati , tous·tes programmé·es dans ce festival, lui aussi, été formé chez PARTS. Entendez la meilleure école de danse d’Europe, celle fondée par Anne Teresa de Keersmaeker. Nous ne sommes donc pas étonné·e·s de le voir se placer à la perfection et de savoir se diriger dans l’espace avec précision. Les premières secondes de voix off, « this is the beginning of the beginning », nous font entendre qu’il sera question de racines. Lui est trentenaire, il vit à Bruxelles, il est né à Tunis à la fin du siècle dernier. Sa famille a connu la colonisation, puis la décolonisation, des successions de régimes totalitaires et surtout, en 2011, un espoir de révolution. Sa pièce questionne la notion de frontière, le fait que les langues emprisonnent ceux et celles qui les parlent dans leur identité, qu’en les traduisant, on les trahit. Alors, plutôt se taire, plutôt danser pour exprimer ce que l’on ressent. Il arrive, tête couverte d’un foulard, le corps vêtu d’un mix hip-hop et contemporain, tee-shirt, grand short. Il se met à poser une vrille keersmaekerienne classique, lentement, puis glisse dans l’écriture postmoderne de la danse contemporaine avec des figures de lignes pures, le doigt pointe des directions, l’ordre est respecté, la diagonale se prend. Ensuite, il plonge dans le hip-hop et le break avec une immense dextérité.
Plus la pièce avance, plus le danseur s’éloigne de son sujet. Alors qu’il cherche à décoloniser la danse, il nous livre, très bien d’ailleurs, un monument de culture européenne et américaine, au point même de citer la musique d’Einstein on the Beach de Philip Glass, chorégraphiée par Lucinda Childs, et convoque un manifeste hip-hop. C’est dommage, car les premières minutes du spectacle et cette phrase de ligne bien écrite étaient prometteuses, tout comme l’utilisation de l’arabe et d’un texte en version originale, si rare dans ce festival, un texte non traduit d’Essia Jaïbi. Et pourtant, la pièce se pare de belles idées, notamment dans l’utilisation d’un beau rideau de soie en fond de scène ou d’une évolution de costumes à faire pâlir d’envie Rick Owens. Mais l’unité du spectacle n’est pas atteinte. Les talents d’interprète de ce magnifique danseur doivent encore se muscler du côté de la chorégraphie pour nous convaincre.
Mohamed Toukabri questions borders, language, and identity in a hybrid solo blending hip-hop and postmodern dance. He explores silence and gesture as tools of resistance. Despite strong intentions and a striking presence, the choreography doesn’t fully live up to its promise.
يتناول محمد توكابري في عرضه الفردي مسألة الحدود والهوية واللغة من خلال مزيج راقص بين الهيب هوب والرقص المعاصر. يستبدل الكلمات بالصمت والجسد كأدوات للمقاومة. رغم البدايات الواعدة، لا تكتمل قوة العرض على مستوى الكتابة الكوريغرافية.
Du 10 au 20 juillet aux Hivernales.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Stef Stessel