Le Théâtre Silvia Monfort accueille, dans le cadre du Festival d’automne, la nouvelle création de Nadia Beugré.
Une branche d’arbre à cour. Ainsi commence le nouveau spectacle de Nadia Beugré. Pourtant, c’est du public, loin de la scène, que viendra d’abord le son. Le chant puissant, que l’on sent venu du plus profond du ventre, de Charlotte Dali.
Quand elle et la chorégraphe pénètrent enfin la scène, la seconde prend quelques instants la parole pour situer ce qu’elle soumet au regard du public : son retour dans son village natal, à la recherche de la tombe paternelle et, plus largement, d’une rencontre avec ses aïeux. Ces quelques mots seront les seules paroles françaises du spectacle. Les chants qui suivront seront des chants zouglou, un style musical issu de Côte d’Ivoire.
Car si Épique se présente à première vue comme une longue cérémonie qui mêle le funéraire à la quête des origines, c’est avant tout par le son que le rite opère. Charlotte Dali et Nadia Beugré s’attellent en effet à faire musique de tout, transformant leurs bouches en caisses de résonance ou jouant du sifflement émis par des battement de bâtons. Ces sons créés au plateau se mêlent et se superposent à ceux de la nature, venus des coulisses, et à d’autres chants enregistrés.
Qu’advient-il alors de la branche qui ouvrait le spectacle ? Vite rejointe par les deux artistes, elle devient le point de départ d’une appropriation de l’espace qui accompagne celle du son. A l’aide de sable et de bâtons, la musicienne et la chorégraphe dessinent au sol un large cercle dont les contours se brouilleront bientôt avec le corps de la danseuse : les bâtons, d’accessoires de décor, deviennent éléments de costumes, fichés dans les cheveux et les sous-vêtements de la jeune femme, en une synecdoque du rapport aux ancêtres que la créatrice était allée chercher lors de son voyage en Côte d’Ivoire.
Cette superposition de différents sons s’allie donc à celle de la vue et de l’ouïe, à l’image de l’aïeule de la chorégraphe, Gbahihonon, « celle qui dit ce qu’elle voit ». Nadia Beugré construit ainsi un espace qui relie, par la force de ces deux sens, les temps et les espaces et crée un moment magique.
La dimension sonore de cette synesthésie mystique doit une part de son existence au travail de la musicienne Salimata Diabaté, qui n’a pu, faute de visa, quitter le Burkina Faso pour la France. Ou comment les décisions (politiques) des un·es influent sur la vie des autres.
Épique ! (pour Yikakou), de Nadia Beugré. Au Monfort les 7 et 8 novembre. Avec le Festival d’automne.
Épique ! (pour Yikakou) sera au Théâtre 13 – Bibliothèque du 2 au 5 décembre.
Visuel : © Werner Strouven