À la Biennale de la danse de Lyon, la chorégraphe uruguayenne s’empare d’un ancien entrepôt pour y présenter, pour la première fois en France, son tube Multitud. Vivant !
Quatre-vingt-seize danseurs et danseuses, tous et toutes amateurs et amatrices, entrent en scène, un par un. 96 x 1. Cela prend du temps, le temps de tous les connaître, un.e par un.e. La première image est folle. Le public est placé en tri-frontal, il est assis par terre pour l’essentiel. C’est-à-dire qu’il a le regard au niveau des pieds des artistes. Dans cette contre-plongée, ils et elles nous apparaissent donc immenses. Et ça commence donc comme ça. Une fois le peuple rassemblé, la danse peut arriver. Comme la veille chez Boris Charmatz, le premier mouvement est une marche accidentée. De façon aléatoire, la nuque se casse et les chutes arrivent.
La performance opère. Nous avons la sensation de traverser au passage clouté d’une capitale occidentale. Les gens se croisent sans se toucher, en ne suivant qu’une direction, la leur. À regarder, c’est extrêmement addictif. Il y a du sac et du ressac, l’espace est pris d’assaut. Tamara Cubas tire son fil de bout en bout sans jamais baisser en rythme. Nous sommes subjugué.es par le professionnalisme de ce ballet amateur. Doucement, sans prévenir, les liens se tissent entre les humain.es. Des regards s’échangent deux par deux, des épaules se touchent, plus encore, parfois, pour avancer, il faut s’extraire, sortir du lot.
Mais la foule de Tamara Cubas n’est pas silencieuse. Elle avance majoritairement au son d’une ligne de basse techno, automate. Quand, comme par surprise, cette masse ne fait plus qu’un dans ses colères. La foule peut alors être celle des manifestations, partout. Elle arrive aussi à les faire danser sérieusement, en soulevant les corps par exemple, comme chez Wim Vandekeybus. C’est simple, la chorégraphe présente tout ce qu’une société peut faire ensemble, du beau et du sale. Elle donne ainsi une photo instantanée du monde de maintenant, même si la pièce a aujourd’hui dix ans, le fait que le casting change à chaque fois rend la pièce ultra-actuelle. Alors, on ne sait pas si Tamara Cubas avait comme nous La foule d’Edith Piaf en tête en écrivant ce spectacle, mais ce Multidud en semble être l’illustration parfaite.
Visuel : ©La Biennale de la danse de Lyon
La Biennale de la danse de Lyon se poursuit jusqu’au 30 septembre.