La dernière création d’Emanuel Gat, Freedom sonata, se donnait en première mondiale ce jeudi 20 juin à la Criée, au Festival de Marseille. Un merveilleux spectacle à la technique généreuse et à la bande son très Cult !
Tara Dalli, Noé Girard, Nikoline Due Iversen, Pepe Jaimes, Gilad Jerusalmy, Olympia Kotopoulos, Michael Loehr, Emma Mouton, Abel Rojo Pupo, Rindra Rasoaveloson et Sara Wilhelmsson constituent un groupe pluriel. Certain.e.s dansent chez Gat depuis quinze ans, d’autres depuis hier. La pièce vient ponctuer les 20 ans de cette carrière solide. Depuis qu’il a créé sa compagnie à Tel Aviv en 2004, Gat a été artiste associé au Festival Montpellier Danse puis à Chaillot-Théâtre national de la danse et à la Scène Nationale d’Albi. Aujourd’hui, il vit et crée à Marseille.
Freedom sonata commence tranquillement, dans un solo calme. La lumière en carré donne au sol une allure plutôt classique. Joli. Puis, l’explosion arrive. Pendant 1 H 30, les 11 ne vont faire qu’être ensemble dans leur singularité. La bande son est un album, le meilleur et le plus connu, du dément, démiurge et infréquentable Kanye West, The Life Of Pablo (2016). On entend aussi Ludwig van Beethoven – sonate pour piano #32 en Ut mineure opus 111 (deuxième mouvement). Le passage classique montre comment la technique tient, comment l’écriture vaste et profonde n’est pas une qu’une illusion hip hop.
L’écriture de Gat est une fête. Les bras se déploient jusqu’à toucher le ciel en prière, les regards sont la clé pour savoir quand rejoindre un mouvement, la danse explose. Les secondes sont vastes, les dos sont laxes sans pour autant quitter la danse de ligne ni jamais sombrer dans le jazz. La grammaire est contemporaine, les corps sont denses et si profonds. À voir, c’est un tourbillon.
Gat complexifie à l’extrême les groupes. Il est impossible de prévoir quel geste sera fait en duo ou en trio. Les connexions surgissent. Il convoque des images superbes comme cette ronde qui donne l’occasion aux danseur.euses de définir la place que leur corps prend dans l’espace. Elles et eux peuvent faire un pas de côté, se mettre à part quelques secondes dans le club, mais il y a toujours un moment où elles et eux se retrouvent et fondent les un.e.s dans les autres pour se re-déployer encore plus à fond.
Le flow aux paroles super explicites (écoutez «Freestyle 4», ce n’est pas pour les gosses) de Kanye et ses samples mythiques, comme «Bam bam» de Sister Nancy dans le « Famous» donnent à Freedom Sonata une structure qui se tient du début de la fin.
C’est une pièce géniale, au blanc lumineux, à la générosité exigeante. Une bombe.
Le Festival de Marseille se tient jusqu’au 6 juillet. Informations et réservations
Visuel : © Pierre Gondard