En direct du festival Le temps d’aimer la danse, à Biarritz, cette année encore, Rémi Rivière partage ses coups de cœur.
Pas populaire le ballet ? Le cliché a la vie dure. Disons d’emblée, pour ne pas risquer les bagarres dans les rangs du Temps d’Aimer, que cela dépend des pays, des époques et des lieux. Et que ce soir en tout cas, le Malandain Ballet Biarritz ne posera pas le dilemme d’investir ou non les ors des théâtres, en allant débusquer les spectateurs où ils ont leurs habitudes, c’est-à-dire au fronton du village. Aujourd’hui à Mauléon, demain à Saint- Jean-Pied-de-Port, Thierry Malandain déploie ses troupes dans les deux Jai-Alai, ces frontons couverts qui sont le cauchemar des sonorisateurs communs mais que les Basques, par habitude du rebond, ont appris à maitriser. Au menu, du Saint-Saëns, épais comme la nuit, pour balayer trente ans de créations de Thierry Malandain. Et puis, en ces jours sans pelote, les danseurs du Malandain Ballet Biarritz seront rejoints par des danseurs basques, souletins pour être précis, dans un joyeux mélange qui n’est pas sans soulever d’autres questions.
Réservons encore celle, initiale, d’un ballet populaire, lorsque pointe la danse populaire par excellence et qu’elle se confronte à l’autre, réputée élitiste. Et avançons d’un pas résolu vers ce qui les unit, disons d’un bon pas de basque, moins rapide mais plus gracieux. Car le pas de basque, comme le saut basque ou les entrechats qui sont la fierté des danseurs souletins, sont, bien sûr, profondément familiers des danseurs classiques. Pette Jaragoyhen, membre du collectif Berritza qui se produira aux côtés du Ballet, a bien repéré quelques pas communs, « des choses qui se croisent » et ces « frijat doble », entrechats que les danseurs du ballet exécutent sans effort. Intitulé Elgarrekin, « ensemble » en basque, le programme est un voyage dans la danse traditionnelle, orchestré par la compagnie Maritzuli et dévoile bien sûr les connivences entre les deux écoles.
Mais si pour Pette Jaragoyhen, il est plus facile aux danseurs classiques de rentrer dans la danse traditionnelle basque que d’envisager l’inverse, Thierry Malandain nuance en estimant que, bien que le défi ne soit « pas insurmontable », il n’a rien à voir avec une question de niveau. « Quand j’ai voulu apprendre les mutxiko, j’avais du mal », dit-il. La citation pourrait faire marrer tous les gosses des écoles basques qui maitrisent le dobla, erdizka et jautzi sur le bout des doigts de pied. Mais le chorégraphe le dit d’autant plus tranquillement qu’il détesterait effaroucher des danseurs amateurs qui, lors de leur première rencontre pour la soirée du nouvel an à Bayonne, se disaient impressionnés en répétant sous les 22 paires d’yeux des danseurs professionnels.
Pour Thierry Malandain, « la danse basque fait ici partie des meubles, mais c’est un trésor », dit-il. D’ailleurs, pour faire la jonction entre danse traditionnelle basque et danse classique, il a bien compris qu’il fallait remonter à la danse classique originelle, celle d’avant Petipa, capable de désarçonner des ballets entiers.
« On ne place pas le temps au même endroit… », égraine-t-il.
En contrepoint, Pette Jaragoyhen se réjouit aussi de cette collaboration qui constitue « une source d’inspiration ». L’association Berritza a été créée pour aider la danse et la culture souletine, c’est-à-dire accompagner des amateurs, notamment des danseurs traditionnels, dans leur évolution vers la création, avec une aide artistique mais aussi logistique, notamment de production. Et en proposant une nouvelle création tous les trois ans. En collaboration avec la fédération de danse basque Iparraldeko Dantzarien Biltzarra, elle dispense une masterclass de danse souletine tournée vers les lycéens. Dans cette démarche de transmission et de création avec la matière traditionnelle, Berritza s’inscrit au fond parfaitement dans la démarche d’un ballet néoclassique.
Le Malandain Ballet Biarritz, en retour, accompagne l’initiative, par exemple dans le cadre du festival Danses croisées ou plus récemment au cours du Temps d’Aimer où se produisait, à Barcus, la troupe Topa Kau, portant les couleurs de Berritza. Tout ceci conduirait les commentateurs à enfiler quelques perles sur les barrières que la danse fait sauter, entre les styles, la danse traditionnelle, contemporaine ou le ballet. Peut-être faut il y voir plus simplement la marque d’un territoire, profondément imprégné de danse, qui mène une réflexion solidaire sur sa représentation contemporaine et sur la création.
Le festival Le temps d’aimer la danse se tient jusqu’au 15 septembre à Biarritz.
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