Pour la première fois, la chorégraphe danoise est invitée au Festival d’Avignon. Sur le papier, son Delirious Night aurait dû être aussi une fête explosive. Malheureusement, elle y construit, minute après minute, pierre après pierre, un quatrième mur qu’aucune énergie ne peut détruire.
Depuis Manual Focus, il y a 22 ans, la chorégraphe et danseuse danoise ne cesse de faire de son corps une arme politique. On se souvient de la pornographie de 7 Pleasures, et de son manifeste participatif sur la folie, créé en 2021 à Charleroi, The Dancing Public. Nous avions donc une attente assez forte en découvrant qu’elle allait avoir comme terrain de jeu l’iconique Cour du lycée Saint-Joseph.
La première image se place pendant l’entrée du public et elle est magistrale. Toute la cour est verte-Shrek, et cela rend le ciel violet. Ça selfise à tout-va, pour le coup, la sensation d’être en train de s’enjailler avant d’aller en club est énorme, la déception en est tout aussi forte.
Sur la scène, on retrouve les podiums de The Dancing Public. Il y a des tissus qui y sont accrochés, ils portent des mots ou des groupes de mots, comme « attitudes passionnelles ». Les danseurs et danseuses surgissent masqué·e·s, tout de suite à fond, et ça, c’est très cool. Le casting est juste fou, nous avons devant nous la crème de la danse contemporaine actuelle : Jayson Batut, Thomas Bîrzan, Dolores Hulan, Zoé Lakhnati, Elisha Mercelina, Mariana Miranda, Olivier Muller, Fouad Nafili, Júlia Rúbies Subirós et Will Guthrie. Et ? Et la chorégraphe ne fait rien de ce matériel dément. Le geste est très pauvre : une marche de deux pas ponctuée d’une jambe qui se tend entre deux courses rapides afin de donner une illusion de rythme. Cela pourrait ressembler à une fête, mais non.
Mette Ingvartsen est une fine connaisseuse de la dansomanie. Elle affirme avec force et raison que danser est politique. La preuve : les tyrans empêchent toujours les femmes de danser, comme aujourd’hui en Afghanistan. Il devrait y avoir sur scène cette urgence vitale à s’exprimer par le corps, mais tout semble faux et en surjeu.
Alors bien sûr, le visage expressionniste de Zoé, les courbes profondément vogues d’Olivier, l’espièglerie sensible de Jayson sont là. Toute la troupe danse au rythme très enlevé de la batterie qui marque le tempo, ils et elles traversent l’espace, le possèdent en trois dimensions.
Mais de bons interprètes ne peuvent pas sauver une pièce fragile dont l’écriture ne repose que sur une tentative d’énergie. La pièce n’atteint pas son but de faire communauté. Pire, elle nous laisse, nous, de côté, et nous perd avec des mots criés, lancés, qui sont là pour nous guider sur l’idée de danser pour résister.
Nous aussi, on se demande comment bien faire, comment résister aux tempêtes du monde. Delirious Night ne délivre pas la solution.
Delirious Night, Mette Ingvartsen’s new creation, opens in the iconic Cour du Lycée Saint-Joseph with a spectacular visual impact. The stage turns green, the sky purple, and the audience gets ready for a party that never really starts. Despite a stellar cast and explosive energy, the piece struggles to build a true sense of community. Ingvartsen, who has long used dance as a political tool, offers a chaotic yet hollow performance that fails to deliver its promise of resistance through movement.
Delirious Night، العرض الجديد لمِتّه إنغفارتسن، يبدأ بصورة بصرية ساحرة في ساحة ثانوية سان جوزيف الشهيرة. يتحوّل المسرح إلى اللون الأخضر والسماء إلى البنفسجي، في جو يوحي بأننا على وشك الدخول في حفلة راقصة، لكن الحماس يخبو بسرعة. رغم الأداء القوي لفرقة راقصة موهوبة، يعاني العرض من ضعف في الكتابة وانعدام في التواصل مع الجمهور. إنغفارتسن، التي تستخدم الرقص منذ عقود كوسيلة سياسية، لا تنجح هذه المرة في تقديم عمل يقاوم بالعاطفة أو بالجسد.
Du 7 au 12 juillet à la Cour du lycée Saint-Joseph.
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Bea Borgers