Danse

« CHOREIA », les chants des cygnes de Rafaële Giovanola

par Amélie Blaustein-Niddam
20.05.2025

Nous vous avons déjà parlé du travail de Rafaële Giovanola à plusieurs reprises. En 2023, lors de son tout premier passage à Paris (enfin !) en mai dernier, aux prestigieuses Rencontres chorégraphiques de Seine-Saint-Denis. Puis en 2024, où nous nous étions rendus dans le lieu de sa compagnie, à Bonn, en Allemagne, découvrir le superbe CHORA. Et nous voici, deux ans après sa première parisienne, de retour aux Rencontres, pour la découverte de sa vision, clinique et somptueuse de l’animalité de l’âme, des corps et des voix.

Contre-jour

Il faut savoir commencer un spectacle, et Rafaële a le goût de l’image. En grande curieuse, elle regarde le mouvement partout où il se trouve. Rappelons-le, elle est entrée en 2022 dans l’« Iconic Kiki House of Juicy Couture » de Genève pour un dialogue dansé entre sa compagnie et cette « Maison ». On l’a vue s’intéresser aux danses folkloriques, à la boxe… et visiblement, à en croire ce cygne en contre-jour, ombre de lui-même, gonflant son dos devenu son seul espace de respiration, crispant ses genoux et ses bras, on se dit qu’elle a encore beaucoup à dire sur la danse classique. Et puis vient un second corps, qui arrive par le sol, un autre cygne, mort celui-là, il rampe, gisant à la force du coude. Voilà pour le commencement des silhouettes, qui sont toutes augmentées de sons d’animaux ou de cris plutôt viscéraux. Car CHOREIA est un poly-ballet, une polyphonie des corps si vous préférez.

Rondes

L’écriture de Rafaële est à la fois technique et organique. Les gestes sont précis et sa finesse se niche dans des détails comme une cheville légèrement rétroversée ou une bascule de dos au bord de la chute. Le groupe désormais constitué a tout d’un bestiaire médiéval, à moins qu’ils et elles ne soient les damné·e·s de Dante ? À vous de voir, l’interprétation est libre. Ce qui n’est pas libre, en revanche, c’est la structure de cette pièce parfaite où les rencontres sont inattendues et les exercices mille fois vus en danse contemporaine sont revisités. Deux groupes en veste de costard et jupes plissées se croisent en ligne, oui, mais ils semblent surfer sur le plateau d’un grand pas. Et puis il y a ces rondes. Des rondes par dizaines. L’une d’entre elles nous scotche particulièrement : elle se déroule de dos, les un·e·s aux autres, dans une contrainte qui force le lien.

Chœur

Et puis parfois, il y a des solis, qui s’extraient de blocs, nous permettant de voir les dos toujours délirants chez Rafaële, les épaules avaler les cous et les demi-pointes chercher la faille. Et tout cela se passe dans une synergie totale et permanente entre les voix et les corps. Qui entraîne qui ? Allez savoir. Encore une fois, il faut rappeler à quel point le nom de Rafaële Giovanola est connu en Suisse et en Allemagne. Elle est à la tête de la compagnie CocoonDance à Bonn, qui est également un lieu, un théâtre où elle enseigne. En France, elle reste encore trop peu vue et trop peu diffusée. Mais, on l’espère, cette présence aux RCI pour la seconde fois pourrait changer son avenir.

Les Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis se déroulent jusqu’au 15 juin

Informations et réservations

Visuel : @Noé Grange