Un très beau choix pour initier les festivités de cette fin de semaine dédiée à l’Australie. Ce jeudi 18 janvier, Lucy Guerin présente trois œuvres : la performance Pendulum, en collaboration avec l’artiste percussionniste Matthias Schack-Arnott, le film I’m in a Forest et la chorégraphie How To Be Us. Autant de regards sur une esthétique hypnotique.
Les spectateurs sont assis tout autour de l’espace scénique, mathématiquement structuré par 39 pendules de tailles variés. Il n’y a ni avant, ni arrière, droite ou gauche : la spatialité est neutralisée.
L’atmosphère a quelque chose de religieux lorsque le silence, puis l’obscurité se font, ce qui est peut-être dû à la fascination qu’exerce cette étrange ensemble. Cinq performeuses allument un à un les pendules et les mettent en mouvements parallèles. Chacun a un rythme différent du fait de sa taille et l’irrégularité se creuse peu à peu.
Les cinq performeuses explorent l’espace entre le parterre et les pendules, mais aussi entre les pendules eux-mêmes, en les faisant se mouvoir régulièrement. Elles effectuent une chorégraphie matérielle en parfaite harmonie avec les sons qui se font entendre. Les pendules sont en effet équipés d’un système sonore coordonné aux mouvements qui leur sont impulsés.
Le résultat est hypnotique. La performance est structurée par une multitude de tableaux mouvants, une personne puis une autre s’y ajoute. Chaque tableau a une cohérence propre, logique, voir mathématique. L’interversion des positions dans l’espace renforce cette impression. Comme si un algorithme était à l’œuvre.
Le calcul est en effet précis pour qu’aucun des pendules ne se heurte jamais à un autre, qu’un corps n’entre jamais en collision avec un pendule, qu’un son ne soit jamais en décalage. Les sons d’ailleurs jouent avec cette crainte constante, aux bruits de carillons qui donnent l’impression qu’une collision a eu lieu. Tout ne tient qu’à un fil.
Les corps chez Lucy Guerin oscillent entre mécanisation et expression d’une impulsion presque sauvage. Le regard, la décomposition du corps, l’interaction entre les individus sont tendus entre ces deux pôles.
I’m in a Forest est un court-métrage qui filme la manière dont 21 danseurs s’approprient l’espace et interagissent dans une galerie vide, où seuls les autres et la caméra observent. Le mouvement est physique et continu. Leur liberté offre une mise en perspective intéressante avec la chorégraphie qui suit, How To Be Us, dans laquelle deux danseuses aux traits androgynes, Lilian Steiner et Samantha Hines, essayent de s’affranchir d’une mécanisation de leur corps.
Cette mécanisation rappelle l’aspect mathématique de Pendulum. Les mouvements de Lilian Steiner et Samantha Hines sont répétitifs et saccadés, elles investissent l’ensemble de l’espace et se libèrent peu à peu de cette automatisation à travers le regard de l’autre et leur collaboration mutuelle. Un lien véritable se crée au-delà de la simple interaction physique. Cette chorégraphie est d’une grande beauté, à la fois fascinante et touchante.
Chaillot – Théâtre national de la danse
Jeudi 18 janvier : 19h30
Vendredi 19 janvier : 19h30 et 21h
Samedi 20 janvier : 17h et 19h30
Pour plus d’informations : https://theatre-chaillot.fr/fr/programmation/2023-2024/pendulum-%2B-how-be-us-lucy-guerin-inc-matthias-schack-arnott
© Sarah Walker