Danse

« Cellule » de Nach ou le krump embastillé

par Nicolas Villodre
27.01.2024

Nach fait la couverture de l’édition 2024 de Faits d’hiver qui l’a programmée au théâtre de la Bastille avec son solo historique, Cellule (2017) que nous avions découvert en 2020 dans le cadre du Temps d’aimer la danse.

Fierté krump

Krump sonne un peu comme crampe. Et la vérité nous oblige à dire – ainsi que s’expriment les politiques – que le solo est par moments crispé, sinon crispant. De même, le sourire de la danseuse, forcé, contraste en permanence avec la bouderie volontiers affichée des bad girls ou prétendues telles. Voire les top models au moment de défiler (sans se défiler), qui arborent un même air de défi et de fierté – mal placée ou non. Le vase clos contraste avec la lumière solaire californienne captée il y a près de vingt ans par le photographe David LaChapelle.

En peu de temps, finalement, Nach est devenue une figure incontournable du paysage chorégraphique hexagonal. Et, en quelques mois, sa danse a encore progressé. Nous avons été plus attentif ici et maintenant qu’il y a trois ans. La rue de la Roquette, qui évoque la prison en général et la prison de femmes en particulier, convient mieux au titre de la variation que celle de Sarasate, virtuose du… violon célébré par Aznavour dans « Comme ils disent ».

Moody blues

La stylisation krump de Nach a gagné en intensité, en précision, en fluidité aussi. Les défauts que l’on pourrait chipoter – la déco super-éco, l’éclairage réduit au néon ou au néant, la mise sans façon, la poésie de mirliton – sont transcendés par la performance de la danseuse catapultée chorégraphe. Le vrai sourire de la soliste, on le trouve à la fin de son parcours de pénitente, lors des saluts. Après sa mise à nu, dans tous les sens du terme. Trois quarts d’heure durant, la danseuse produit différents tableaux.

Au début, Nach danse en silence ; on perçoit sa respiration, les frottements de son survêtement de sport et la pose au sol du plat des pieds protégés par des sneakers. À la fin, elle évolue sur des notes de piano romantique ; ses bras s’ouvrent en offrande comme, naguère, ceux d’une Ruth Saint-Denis ou d’une Martha Graham. Le passage qui nous a le plus touché est celui où elle s’accompagne d’un chant de travail, une complainte de prisonnier rythmée par des coups de pioche. Une des origines du blues enregistrées sur disque par le collecteur John Lomax et, sur film, par Robert Manthoulis.

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