Depuis 2018, Katerina Andreou déverrouille sa nuque dans des rebonds enragés. Six ans plus tard, et après deux créations, elle signe sa première pièce de groupe, et quel groupe ! Bless This Mess est un bordel bien organisé et salutaire.
Pour BSTRD, iel se battait contre elle-même sur un ring. En plein confinement et juste entre professionnel.le.s, nous avons eu la chance de pouvoir voir le duo Zeppelin Bend où iel prenait de la hauteur. Plus récemment, iel affrontait son deuil dans Mourn Baby Mourn. Et toujours, toujours le geste se niche dans l’énergie de la boxe. La danse de Katerina Andreou est basée sur des nuques qui oscillent à toute vitesse et des rebonds qui permettent d’avancer d’une façon ou d’une autre, quoi qu’il en coûte. Et ça commence comme ça, en se cassant le cou, en y entraînant toute la tête, si rapidement que le geste efface le visage.
Iels sont quatre, et sont toustes des monstres de plateau : Katerina Andreou donc, Lily Brieu Nguyen, Baptiste Cazaux et Mélissa Guex. Iels sont toustes vêtu.e.s de noir : short, baskets, chaussettes hautes et chemise à manches courtes. Iels évoluent sur des tables de différentes hauteurs, qui deviennent des praticables, des supports à la circulation viscérale des corps suspendus à la musique, une boucle répétitive pleine de violons en mode fortissimo. L’impact se place dans les cuisses de façon super sportive. Le rythme est fou, c’est une tension avec (presque) aucun relâchement pendant 55 minutes électriques. Assis.e.s, iels avancent encore uniquement à la force des cuisses et des genoux, se déplaçant latéralement. Cela paraît tellement évident, tant Katerina a imposé sa grammaire depuis quelques années, qu’on en oublierait presque que ses sauts et ses courses n’ont rien de facile.
Le risque pour un.e interprète qui passe de l’autre côté est de vouloir coller son écriture dans le corps des autres, de façon plaquée. Là, ce n’est pas le cas. Ce que l’on voit, c’est l’énergie, l’angularité et la viscéralité de sa danse déployée et décuplée pour ce quatuor surpuissant. Bless This Mess est étouffant de rapidité et de technique. Si la musique joue les répétitions, la danse, elle, ne se décalque pas. Elle évolue sans cesse. Un rebond toujours, oui, mais qui amène ailleurs : dans une vrille, une courbe raide ou une inclinaison. L’écriture est parfaite, car elle sait ranger le désordre tout en lui gardant son impertinence nécessaire.
Vu au T2G le 21 octobre, dans le cadre du Festival d’automne
En tournée, au Festival Next du 24 au 26 novembre 2024 à la Rose des Vents. Informations et réservations
Crédit photo : ©Karol Jarek