Ce jeudi 20 mai, Marie Didier proposait à ses spectateurices de découvrir un troublant, étrange et déroutant trio, entre attraction sexuelle et réparation.
Tout commence avec des mots projetés sur un écran. On y lit ce genre de phrases prononcées en portugais : «des jambes qui flottent». Puis, nous voyons.
La scène est bardée de deux murs. Bientôt, l’espace est rempli à la fois d’une électro inconfortable et de trois corps intrinsèquement liés. Diana Niepce, Bartosz Ostrowski et Joãozinho da Costa vont rapidement danser les uns dans les autres. L’un est racisé, l’autre est blanc, la troisième est lourdement handicapée. Diana Niepce a perdu l’usage de ses jambes après un grave accident. Aujourd’hui, elle est d’allure très fragile. Elle arrive enchevêtrée sur les épaules et le cou de Joãozinho da Costa. Elle devient vite la maîtresse de jeu de ces deux colosses aux visages serrés.
Eux sont en short et tee-shirt huilés, elle est seins nus et jupe longue transparente, l’image est très dérangeante. Elle installe notre regard dans des codes érotiques et pornographiques immédiats. Les gars la collent au mur, la font glisser, la soulèvent comme un christ en croix, la font redescendre entre eux, la supportent, l’accompagnent.
C’est un plan à trois où le désir de possession est total. La puissance grimpe tout au long de la pièce et change de camp. C’est elle qui dirige, d’un geste de la main sur une épaule, c’est elle qui est le lien entre les deux garçons. Souvent, quand la danse invite un corps empêché, il inspire la compassion (Une tentative presque comme une autre des frères Papachristou) ou la tendresse (Danser la faille de Sylvère Lamotte). Mais la sexualité dans ses recoins les plus charnels est un grand tabou, depuis Crash de Cronenberg, on a peu vu de représentations mettant en scène le désir le plus pur des personnes handicapées. La danse est faite évidemment de portés, ce qui n’empêche pas le mouvement de se déployer dans les bras, les mains et les cervicales. Diana ne marche pas, mais elle vole et c’est quand les garçons lui laissent toute la place qu’elle redonne de l’amplitude à ses jambes inertes. Intense.
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Visuel : © Alípio Padilha