Dans le cadre de sa saison jeune public, l’Opéra Bastille accueille, dans son auditorium, deux versions de la pièce de Simon Le Borgne, l’une courte (30 minutes) pour les scolaires, et une longue (55 minutes) pour les représentations tout public. Il s’agit d’un pas de deux bien rythmé, au tempo d’une batterie augmentée, avec des influences allant du classique au contemporain. Un pas de deux amical et attendrissant sur le parcours de deux danseurs classiques ayant choisi d’autres lignes de vie.
Commençons par vous les présenter : Ulysse Zangs est diplômé de l’École de Danse de l’Opéra de Paris (2014) ; il a, entre autres, dansé chez Forsythe, rien que ça. Simon, lui, a quitté l’Opéra en tant que Sujet, soit le prestigieux troisième échelon de l’institution. Impressionnant, n’est-ce pas ?
Sur scène, nous voyons une batterie et rien d’autre. Pas de corps pour l’instant. Puis Ulysse entre et se pose, en jean–tee-shirt, en première position ou presque. Vite, les poignets se cassent alors que les bras restent contraints, et puis l’accélération se met en place : il tourne et bientôt croise les jambes dans des vrilles ; il est fulgurant de talent et de rapidité. Il atteint son instrument et Simon, qui attendait au premier rang, entre en jeu. Il faut se poser, respirer, respirer fort, jusqu’à ce que la respiration devienne un rythme binaire, un support à la fois pour le dos de Simon et pour ses épaules aussi, dans un relâchement plus proche de Trisha Brown que de Rudolf Noureev. Toutes les racines classiques de leurs mouvements sont désormais gommées, et elles le resteront jusqu’au dernier moment de la pièce.
Ad libitum, en français à volonté ou à satiété, est un conte initiatique, un parcours d’autorisation à faire autre chose : quitter l’institution pour y revenir en tant que chorégraphe invité d’abord, et surtout danser librement, en s’autorisant à se mêler aux spectateur·rices jusqu’à toucher leurs mains, jusqu’à se jeter à leurs pieds dans un glissé au sol de toute beauté. Simon fait le show, même le clown, en signant un chien qui halète ; il tourne et se retourne, porté, élevé même par la force centrifuge du balancement de ses bras.
La musique est une interprète en soi dans ce pas de deux où Ulysse n’apparaît plus que comme musicien de génie. On entend « une version lente du Stabat Mater de Pergolèse » (ndlr : nous glisse à l’oreille notre voisine Yaël Hirsch), et l’on croit deviner quelques lignes de flamenco aussi. Mais, toujours, la danse se base sur le rythme de la batterie qui martèle avec précision la ligne de basse enivrante qui porte les pliés non académiques de Simon.
Un très chouette moment à partager avec les jeunes adolescent·e·s de votre entourage, qui, s’il ne révolutionne pas le genre, donne à voir deux interprètes exceptionnels.
Ad Libitum, Simon Le Borgne, Amphithéâtre Olivier Messiaen, du 11 au 13 décembre 2025, 16 €. 0h55 sans entracte. A partir de 11 ans.
Visuel :©David Le Borgne