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À Onyx, Maguy Marin fracasse le mur de la violence libérale avec « DEUX MILLE VINGT-TROIS»

par Marc Lawton
23.01.2024

 

 

La salle du théâtre Onyx, scène conventionnée danse à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), était pleine à craquer jeudi 18 janvier pour DEUX MILLE VINGT-TROIS, la dernière pièce de Maguy Marin. Lorsque le rideau s’ouvre, le public se retrouve face à un plateau occulté par un immense mur fait d’une multitude de noms, rédigés en lettres noires majuscules sur des briques de bois empilées. Très lisibles, on peut y déchiffrer parmi tant d’autres Bernard Arnault, Elon Musk, Donald Trump, Jeff Bezos… mais pas longtemps, car soudain, ce mur entier bascule en arrière et s’écroule sur scène dans un immense fracas saisissant. Le ton est donné : le spectacle qui va suivre va parler de violence.

Mais auparavant, le plateau est investi dans la pénombre par sept interprètes armés de lampes de poche. Ils semblent chercher quelque chose dans ces ruines et on est libre de faire éventuellement le lien avec l’actualité : ces ruines évoqueraient-elles les bombardements en Ukraine ou, plus récemment, ceux dans la bande de Gaza ? Non, car nous sommes au théâtre et notre regard est attiré par un écran situé à l’avant-scène cour. En symétrie, un orateur vient s’asseoir sur le reste de mur et s’empare d’un micro.
Vont alors se succéder ainsi plusieurs comédiens et sur l’écran des portraits de personnalités politiques, d’hommes et de femmes de médias, de chefs d’entreprises… Le texte prononcé, militant et engagé, va consister en une dénonciation très argumentée de leurs actes, compromis, promesses non tenues et hypocrisies diverses, avec certains passages lus en arabe ou en espagnol. Des extraits de discours sont donnés à entendre ou cités, avec certains mots rajoutés en grosses lettres aux photographies apparaissant sur l’écran. Celles-ci alterneront avec des images récurrentes de fabrication mécanisée de billets de banques, des euros.

Dans cette diatribe, l’accent sera notamment mis sur l’inventeur de la propagande, l’américain d’origine viennoise Edward Bernays (1891-1995), neveu de Freud et auteur en 1928 de Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie, ouvrage paru en 1928 (traduit en français seulement en 2007). Cet homme peu connu du grand public, considéré comme le père de la propagande politique et d’entreprise, a inventé les relations publiques et a été le premier « industrialiser la psychologie du subconscient pour persuader l’opinion publique malgré elle » (Wikipédia). À l’heure des fake news et de l’intelligence artificielle, on comprend l’intérêt de la chorégraphe pour ce personnage.

En contrepoint avec les orateurs et à l’activité affairée et bruyante du plateau surgit en bordure de scène, à plusieurs reprises, une apparition, sorte de marionnette humaine vivante et colorée, costumée et masquée, d’inspiration asiatique. Vêtue d’un kimono, les bras ouverts, elle est guidée par une figure vêtue de noir placée derrière elle. Cet étrange tandem va parcourir le plateau en lenteur, descendant d’abord du fond de scène, jardin jusqu’à l’avant-scène pour ensuite traverser l’espace et disparaître en coulisse. Se préparant à vue du public devant ce qui ressemble au lointain à une loge, son costume et son masque changeront à chaque passage, ornés de symboles de ce qui caractérisent les grandes fortunes et les puissants, leur argent (billets verts, bénéfices réalisés par les GAFAM…) et leurs signes extérieurs de richesse comme avion privé ou yacht. Avons-nous affaire à un oracle, un chamane, un marionnettiste de bunraku japonais, une caricature ? Cela restera une énigme que chacun résoudra à sa manière.

« Nos corps sont devenus des objets de surveillance filmables et enregistrables, nous indique le descriptif de la pièce sur le site internet de la compagnie. Mais les mystères de la motivation humaine n’ont pas tous été révélés. Si l’échec des mouvements politiques du XXe siècle les a transformés en objets esthétiques, les récents mouvements de libération montrent qu’est toujours vivant au fond des êtres un vent de révolte capable de chasser ceux qui contraignent au silence de la misère ». C’est Maguy Marin qui parle et on retrouve là l’attention qu’elle porte aux humains, notamment les moins privilégiés et les plus humbles comme ceux qu’interprètent les dix danseurs imprégnés d’argile de May B (1981), pièce devenue un classique avec ses zombies absurdes, pitoyables et émouvants.

Charge nationale et internationale

Seront ainsi vilipendés côté français Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron célébrant le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte et ignorant le centenaire de la Commune de Paris, sa secrétaire d’Etat à la jeunesse Sarah EL Haïry, Bernard Arnault et son parcours, de son départ de France pour les États-Unis dans les années 1980 où il est devenu ami de Donald Trump à sa position actuelle, milliardaire à la tête de LVMH, Jacques Chirac (avec un épisode humoristique sur son chien), la famille Dassault, Vincent Bolloré et sa main mise sur les médias, la journaliste Léa Salamé, l’animateur de télévision Stéphane Bern originaire du Luxembourg, Eric Zemmour et le « grand remplacement », etc… Côté international, c’est le général Franco, sa dictature et le retour au pouvoir du roi Juan Carlos qui sont évoqués, le Maghreb avec notamment le général Massu et la pratique de la torture en Algérie, la politique Françafrique, l’influence de Poutine sur l’Occident, les lanceurs d’alerte Julien Assange et Edward Snowden, l’emprise de l’entreprise américaine United Fruit active dans les pays d’Amérique centrale et latine, succédant dans ces anciennes colonies à l’esclavagisme, etc. Cette compilation, qui peut sembler hétérogène, est passionnante, bien construite, instructive et parfois drôle. Elle est l’œuvre de Paul Pedebideau, responsable de la recherche documentaire et également scénographe de la pièce. Selon un danseur de la compagnie cité dans l’article d’une confrère, « il s’agit d’un contre discours face aux personnes qui monopolisent l’espace médiatique ».
Cette thématique de la dénonciation était déjà présente dans DEUX MILLE DIX-SEPT, pièce où la chorégraphe montrait du doigt déjà avec force les inégalités et dans laquelle était déjà convoquée la figure d’Edward Bernays. DEUX MILLE VINGT-TROIS en est la suite, car la situation mondiale a d’évidence empiré : « Que cela suive son cours, voilà la catastrophe » clamait Marin dans son texte sur sa pièce de 2017 en évoquant une notion chère à Walter Benjamin, rajoutant « Dans ce contexte de tensions inouïes, nous ne savons plus comment conduire notre pensée et nos actes, nous nous débrouillons tant bien que mal pour permettre à nos désirs de se réaliser ». D’évidence, elle préfère ici les mots plutôt que la danse, la pénombre pour ses danseurs plutôt que la lumière, elle qui avait brillé chorégraphiquement dans des pièces comme Eden, Cortex, Waterzooï, Salves ou BIT. On avait aussi pu apprécier sa détermination et sa lucidité dans le film L’urgence d’agir, documentaire réalisé par son fils David Mambouch en 2019.

Où est la danse ?

Mais dans la pièce d’il y a sept ans, des moments de danse émaillaient le propos, tandis qu’ici dans DEUX MILLE VINGT-TROIS, elle a totalement disparu, et c’est là la limite d’un propos certes dépouillé, mais qui semble dire qu’à 72 ans, cette grande artiste courageuse atteint les limites de son discours très politique et résolument à gauche. Cette énumération de personnalités présentées de façon fort peu sympathique et d’événements significatifs, malgré la mise en scène sobre et directe, peut sembler répétitive, à charge, pas nouvelle et orientée, et en a dégouté certains. Une cinquantaine de spectateurs a en effet quitté la salle sur les deux soirées, sans doute vexée par un propos trop théâtral et un manque de danse plus conventionnelle. Notons aussi que deux thématiques sont absentes de la pièce : la crise climatique et la crise sanitaire de Covid-19.
On retrouve là ce public déjà dérouté par Umwelt (2004) et Turba (2007), avec en toile de fond la question « Qu’est-ce que la danse ? » déjà posée par les chorégraphes « conceptuels » signataires du manifeste du 20 août 1997 (Charmatz, Huynh, Buffard, Bel, Le Roy, Wavelet…). Ce mouvement faisait lui-même écho aux démarches des artistes américain.e.s de la Judson Church et de Grand Union (Rainer, Brown, Forti, Childs, Paxton, Gordon…) et leur profonde remise en question des conventions en cours au début des années soixante. On pourrait pour Marin parler de danse-théâtre, mais malgré ici la prédominance du texte, DEUX MILLE VINGT-TROIS invite à parler plus généralement de spectacle, car l’habitude bien française de ranger la création artistique dans des petites cases peut agacer.
Au bout d’une heure et 45 minutes, ponctuée par des moments de rythmes assourdissants frappé sur le bois par les interprètes invisibles (Marin fut élève de Mudra, l’école bruxelloise de Maurice Béjart créée en 1970, et y suivit les cours de Fernand Schirren en rythmes et percussions), le cri de colère de DEUX MILLE VINGT-TROIS se termine en constatant, la lumière se faisant sur le plateau et dans la salle, que ces sept « ouvriers » à l’œuvre dans l’obscurité pendant toute la pièce n’ont pas chômé. En effet, à partir de presque toutes les briques du mur d’origine, ils ont reconstruit une sorte d’escalier en fond de scène, sombre et bien plus timide que le mur tonitruant du début.
La dernière image avant le noir sera celle d’un retour au calme, d’une simple veillée avec un guitariste (l’acteur marionnette dépouillé de son costume et de son masque) chantant en espagnol une brève chanson douce à trois temps, ses collègues regroupés autour de lui.
Marc Lawton

La pièce a été créée du 8 au 10 novembre 2023 à la Maison de la danse de Lyon, coproductrice.
Autres coproducteurs : le festival Reggio Parma (Italie), la Comédie de St Etienne-CDN, le Théâtre de la Ville, Paris, le Gymnase, CDCN de Roubaix le CNDC d’Angers et Ramdam, un centre d’art à Ste Foy-lès Lyon.
Dates :
Paris Théâtre de la Ville (Abbesses), du 5 au 9 mars
Tours, L’Olympia-CDN, les 13 et 14 mars
St Etienne, la Comédie-CDN, du 19 au 21 mars
Roubaix, Gymnase-CDCN, le 9 avril

Pour aller plus loin :
*voir l’ouvrage Toucher au nerf – Conversation avec Olivier Neveux, éditions théâtrales, 2023
*voir les films de David Mambouch : L’urgence d’agir (2019), May B (2021, adaptation cinématographique de la pièce éponyme de 1981) et Umwelt, de l’autre côté des miroirs (2022).