Qu’est-ce qu’un geste de danse ? Pierre Pontvianne semble s’amuser à répondre à cette question en un pas de deux assis où seuls les mains, les bras et les yeux sont en mouvement.
Présenté à June Events, L à SEXTET nous place assi.s.e.s assez loin d’un duo également assis. Laura Frigato et Pierre Treille nous attendent, sagement, illuminé.e.s par deux bandes de néons posées au sol en forme de pointe. Il et elle sont habillés en pantalon et haut de ville. Que fait-il et que fait-elle là ? D’abord sages, les mains vont devenir des actrices fascinantes. Elles se posent, se tournent, et bientôt elles prennent de l’ampleur, rejoignent les têtes, deviennent — quand elles se muent en vigie — un regard vers le monde. Il faut dire que le son nous invite à être conscients du monde qui brûle, à tous les sens du terme. Ce soir-là, dans le studio de l’Atelier de Paris, écrasé par la canicule, l’air est irrespirable un 12 juin dans le nord de la France.
Le son, d’abord, est un white noise — oui, on a écrit cela déjà deux fois la semaine dernière, toujours au sujet de June Events : le white noise est super tendance en ce moment dans la danse — avant de devenir des voix, des discussions dans une langue étrangère à la nôtre. Le ton est vif, il y a de la colère, de la dispute.
Eux deux sont calmes — enfin, presque — leurs yeux disent l’inquiétude et leur corps, l’impossibilité d’agir pour modifier quoi que ce soit de tangible sur cette planète qui est au bout de sa vie. Ce chorégraphe est connu pour ses lignes pures et ses titres de spectacles deleuziens (Percut, œ). Nous apprenons dans la feuille de salle :
« En lisant le livre de Georges Didi-Huberman, Sentir le grisou, Pierre Pontvianne tombe sur cette phrase : “Il n’y a pas de meilleure ruse pour les catastrophes que l’apparente normalité du temps qui passe.” Elle sera le point de départ de là-SEXTET. »
Ces deux-là n’ont rien qui rime avec une forme de normalité. Leur colonne vertébrale, qui colle — comme un déroulé de dos — sur la chaise, pour légèrement mais précisément s’en décoller ensuite, vient accompagner l’étrangeté de cet apparent, pour le coup, figement. Les nuques osent un peu se tourner, laissant apparaître l’élégante figure d’une tranche de main qui se pose sur une joue.
Si tous deux sont des siamois du geste, leur connexion semble impossible : il et elle sont assis.e.s à une petite distance l’un.e de l’autre, mais qui empêche toute forme de proximité. Il ne faut pas se toucher, cela semble trop grave.
Cette courte pièce de 20 minutes est brillante. Elle pose un geste aussi radical que pur.