Dans un seul-en-scène à l’énergie vitale communicative, Hugues Jourdain adapte Dans ma chambre de Dustan – roman d’une époque dont il faut faire vivre la mémoire.
Hugues Jourdain n’a pas peur de jouer des codes du stand-up pour faire entendre les mots de Dustan. Tout y est : du micro sur pied à la bouteille d’eau, de l’adresse directe au public à la recherche d’une relation complice avec lui. Les rires fusent lorsqu’il décrit par le menu telle ou telle pratique sexuelle ou la taille du pénis de son nouveau partenaire. Autant dire que les premières minutes du spectacle déroutent. Dustan est un auteur connu pour sa radicalité à la fois formelle dans son dernier et trop peu connu roman, LXR, par exempleet aussi pour ce qu’il a pu dire de la sexualité gay dans les années 90. Il a ouvert une porte, à coup de poppers, de godemichets et de sexe sous produits. Or, la simplicité de la forme choisie ici pour cette adaptation au théâtre surprend. Mais au fur et à mesure des saynètes qui rythment la proposition, on comprend combien en fait il s’agit ici aussi de radicalité.
Le jeune comédien se saisit avec beaucoup de distance et de malice à la fois des propos crus sur la sexualité jusqu’à une pantomime techno (la musique signée Exitt et Samuel Hecker est formidable) dans un sex club londonien. Le travail physique est saisissant, jamais vulgaire, toujours juste. Il joue sur une ligne de crête quand il aborde les pratiques sexuelle très précises. Sa présence en scène est si délicate qu’aucune gêne, aucun ridicule ne s’installe.
Hugues Jourdain réussit le tour de force rare d’être à la fois la personne réelle qu’il incarne, Dustan, mais aussi lui-même ce jeune acteur de trente ans, et peut-être aussi comme Lagarce nommait un de ses personnages : « Un guerrier, tous les guerriers ». C’est à dire tous les garçons d’une époque révolue mais dont les combats, les deuils, la solidarité a construit les modes de vie gay d’aujourd’hui. Hugues Jourdain n’a pas connu la grande vague meurtrière de l’épidémie de SIDA dont parle Dustan, ni l’enchaînement des enterrements de jeunes gens qui mouraient à l’âge qu’il a aujourd’hui. Et pourtant, lorsqu’il raconte la mort de tel ou tel des membres de la bande de Dustan, on sent que le temps les réunit.
Il est à espérer que cette très sincère proposition soit vue le plus possible et que toute une génération de lecteurs et de lectrices découvre cet auteur majeur de la littérature contemporaine.
Dans ma chambre d’après Dustan, par et d’Hugues Jourdain
Jusqu’à la fin du festival Off au théâtre du train Bleu à 21h45.
crédit © Christophe Raynaud de Lage