Après le triomphe de 2018 au Mogador, Chicago revient enflammer le Casino de Paris avec Shy’m en Velma Kelly et Vanessa Cailhol en Roxy Hart. Pour cette première de gala archi-comble et ultra-people, le spectacle de Bob Fosse prouve une fois encore que le cynisme, le jazz et le crime font toujours recette. Et comment !
Créé en 1975 par Bob Fosse (mise en scène et chorégraphie), Fred Ebb (livret et paroles) et John Kander (musique), Chicago s’inspire d’un fait divers réel survenu dans l’Amérique des années 1920 et brosse un portrait satirique d’une société où les frontières entre justice, médias et spectacle se confondent. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 34 millions de spectateurs dans le monde depuis sa création, 300 000 lors de la production française précédente. Et pour cette reprise, qui a démarré le 7 novembre 2025 au Casino de Paris et part pour 78 représentations jusqu’au 31 janvier 2026, une chose est sûre, dans la langue de Molière, « Il faut que ça jazze » passe vraiment bien.
Ce jeudi 13 novembre, pour la soirée de gala, on a pu voir un public très apprêté, voire carrément en mode cosplay cabaret. Le Casino de Paris affichait complet avec également des stars de la télé et de nombreuses séances de photos improvisées. Une ambiance festive, donc. Surtout pour un 13 novembre, qui a suscité un mot sobre, mais sincère du producteur, avant le show.
« Mesdames, messieurs, bienvenue, vous allez assister à une histoire de meurtre, de cupidité, de corruption, de violence, de manipulation, d’adultère et de trahison, toutes ces choses qui sont si chères à notre cœur ». Le ton est donné dès le début du spectacle ! Accompagné au centre d’un orchestre de cuivres exceptionnel qui interagit parfois avec les personnages, sur une scène minimaliste bordée de noir, le casting nous transporte dans une prison pour femmes qui sont toutes des meurtrières. La configuration du Casino de Paris demeure classique : l’orchestre jazz trône sur des gradins face au public, on peut boire et manger dans la salle. Ce qui fait que tout contribue à cette atmosphère cabaret déglinguée et de bas résille un peu mal famés. Les danseurs évoluent sur le devant de la scène, et les jeux de lumière sculptent la narration – notamment des rayures pour figurer la prison. C’est sombre, noir et cynique, avec un rapport aux médias qui n’a pas bougé d’un iota aujourd’hui. Néanmoins, il y a de la tendresse, notamment chez Amos, le « Monsieur Cellophane » et mari le plus transparent du monde (excellent Pierre Samuel) et aussi un show-business qui se regarde avec lucidité et un brin de fierté !
Toutes les chansons sont des tubes de A à Z, que le public reprend – même en français. Et la chaleur monte entre la première et la deuxième partie. L’intermède de l’orchestre chauffe la salle après l’entracte, les artistes se détendent et le spectacle devient un vrai dialogue avec le public. Les principaux chanteurs et chanteuses sont juste géniaux et bougent aussi bien qu’ils chantent, à commencer par la rouquine qui ne tient pas en place et incarne une Roxy survoltée : Vanessa Cailhol (Molière 2024 de la « Meilleure comédienne du théâtre public » pour Courgette) est juste bluffante. Les chorégraphies d’Ann Reinking sont reprises par la « Dance Captain » Dorit Oitzinger avec un brin de contemporanéité. Quant à Shy’m, on sent un peu de trac derrière la voix parfaite, mais elle se met rapidement au diapason. L’artiste qui a vendu plus de 2 millions d’albums et remporté « Danse avec les stars » apporte une certaine élégance à son personnage de Velma Kelly. Si l’on ajoute, en avocat habile et malhonnête, Jacques Preiss (vu récemment dans Les Misérables au Châtelet), le trio principal fait des étincelles, réussit aussi bien sa sortie que son entrée.
Chicago n’a rien perdu de son mordant satirique. Au Casino de Paris, le crime paie toujours – et nous en redemandons !
Chicago de Bob Fosse & Fred Ebb & John Kander avec Shy’m (Velma Kelly), Vanessa Cailhol (Roxie Hart), Jacques Preiss (Billy Flynn), Waku Malanda (Mama Morton), Pierre Samuel (Amos Hart), P. Lebraud (Mary Sunshine) – création originale (1975).
Réservations : www.casinodeparis.fr
Visuel : © Cyril Bruneau