De l’Avesnois aux scènes parisiennes, Kahlos Éphémère a construit un univers intense, sensible et radicalement poétique. Entre autodidaxie, performances extrêmes et éclosion dans Top Coat, l’artiste se raconte à quelques heures du lever du rideau.
Je m’appelle Kahlos Éphémère, je fais du drag depuis environ cinq ans et je joue l’apprentie dans le show drag comédie musicale « Top Coat ».
J’ai commencé très jeune, vers 15 ans, tout seul dans ma chambre. Le maquillage ne m’avait jamais vraiment intéressé avant et puis un jour, grâce aux recommandations Youtube, je suis tombé sur une vidéo de drag. J’ai découvert qu’avec des crèmes et des poudres, on pouvait complètement transformer son visage et raconter une histoire juste avec un visuel !
J’ai continué, encore et encore. À 16 ans, ça prenait déjà forme. À 17 ans, je me suis dit que c’était exactement ce que je voulais faire ! C’était ça, mon chemin !
J’ai grandi dans le Nord-Pas-de-Calais, dans les bocages de l’Avesnois. C’était un endroit où je ne connaissais absolument personne qui faisait du drag, donc oui, c’était compliqué !
Je dis souvent que j’ai été élevé par deux parents : ma mère et Internet !
C’est comme ça que j’ai découvert l’existence de Drag Race, grâce aux compilations faites par les fans. Je regardais, je comprenais des choses, j’en ratais plein d’autres, mais je voyais la magie et je me disais que c’était exactement ce que je voulais faire !
Comme il n’y avait aucune scène autour de moi, j’ai appris seul, chez moi. À force, je me suis dit que pour continuer, il fallait partir. Je suis arrivé à Paris à 17 ans, j’ai arrêté l’école dans l’espoir de pouvoir faire du drag un jour. J’ai eu beaucoup de chance, ça a marché, et aujourd’hui, je suis au Théâtre du Gymnase. Ça paraît fou quand j’y pense !
Je vois mon drag comme une extension de qui je suis ou de qui j’ai envie d’être à un moment donné. Le drag donne les clés et les ailes pour s’envoler et faire exister ce que j’ai en tête !
Mon univers mélange des performances très douces avec des pratiques dites extrêmes. En anglais, on parle de body modification, même si ce n’est jamais permanent. Ce sont des aiguilles, des sabres, des agrafes.
C’était une pratique vraiment niche dans mon entourage à l’époque, mais elle existe depuis longtemps sur la scène drag parisienne. Je ne le savais simplement pas encore. Aujourd’hui, ces disciplines ont une vraie visibilité, notamment grâce à des cabarets comme « Pins and Needles », et c’est magnifique de voir ça !
Je le fais un peu moins aujourd’hui, parce que le drag est devenu mon activité principale et que je dois préserver mon corps, mais ça reste une part essentielle de mon univers.
Je priorise toujours la performance ! Quelle histoire je veux raconter, comment le visuel peut la renforcer et comment rendre tout ça pratique pour bouger, danser, incarner.
L’inspiration peut venir d’une chanson, d’une image, d’une référence. Il n’y a pas de méthode fixe. J’essaie de ne jamais forcer l’inspiration. Quand les idées viennent naturellement, je les prends telles qu’elles sont et c’est un bonheur !
Le personnage a été écrit par Ruby on the Nail. C’est une nouvelle arrivante au salon « Top Coat », une apprentie très stressée par le milieu professionnel, qui a du mal à s’ouvrir aux autres et à créer du lien. Elle observe beaucoup, elle ose peu, elle arrive, elle travaille, elle garde tout pour elle et elle repart.
Quand je suis arrivé à Paris, j’étais un peu comme ça. Je venais faire mes shows, je parlais très peu, je ne savais pas comment connecter avec les autres. Je pense que c’est ce qui a inspiré Ruby. Aujourd’hui, je suis très différent, mais la personne que j’étais à mes débuts lui ressemble beaucoup.

Il y avait chez moi une vraie paralysie sociale, la sensation de ne pas être assez intéressant, de ne pas avoir les bons mots, les bonnes phrases qui créent des amitiés. Pendant longtemps, ça me suivait partout.
Incarner cette apprentie, c’était retourner dans cette zone d’émotion. Et en même temps, c’était beau. Parce que le rôle me rappelle d’où je viens, ce que j’ai traversé, et tout le chemin parcouru !
Non, la première s’appelait « The Drag Lab ». C’était écrit par Maximilien Marçais Husson et j’y participais avec Calypso Overkill, Kahena, Thomas Occhio et Vajinette de la Vologne. C’était la première fois que je devais apprendre des lignes et jouer quelque chose qui n’était pas exactement moi.
Cette expérience m’a vraiment préparé pour Top Coat. Je ne savais pas précisément à quoi m’attendre, mais j’avais déjà une idée de ce que représentait le fait de jouer un autre personnage. Ça m’a beaucoup aidé !
C’est une grande première pour moi ! Le 27 novembre, à la péniche « La Bougeotte », j’hosterai mon premier show parisien à 20h00, pas à minuit. Je serai avec Margarette et Bichette, ce sera la toute première édition et j’ai tellement hâte ! Ce sera aussi une des premières fois où j’hosterai en français, donc ce sera très drôle !
J’ai écrit un pavé à chacune des drags de « Top Coat » dans mon téléphone, et je garde ces mots pour la fin du spectacle, quand je remettrai mes lettres à tout le monde.
Mais je peux dire que la reconnaissance est immense ! Comme le disait Androkill, c’est comme un rêve de petite fille qui se réalise ! Ce sont des fantasmes d’enfance qui deviennent enfin réels. Le théâtre est magnifique et historique. On forme un groupe qui s’entend extrêmement bien. Le processus a toujours été doux, il n’y a jamais eu un seul moment compliqué, ni au début, ni en production, ni en apprentissage. Et chaque représentation a été un vrai bonheur !
Top Coat c’est génial !
Propos recueillis par Mélodie Braka
Visuels ©Valentin Folliet
Informations pratiques
Dates : Tous les mercredis jusqu’au 17 décembre
Horaires d’ouverture : 20h
Durée : 2h
Lieu : Théâtre du Gymnase, 38 Boulevard Bonne Nouvelle, 75010