13.12.2025 → 14.12.2025

Opéra Comique : Lea Desandre rend hommage à Julie Andrews, une réussite !

par Helene Adam
16.12.2025

Le spectacle donné par Lea Desandre, Thomas Dunford et l’ensemble Jupiter, salle Favart, s’intitule « Chasing Rainbow », autrement dit « chasser l’arc-en-ciel » ou « rechercher le rêve ». Et c’est bien sur les traces des souvenirs de ces Musicals de Broadway devenus des films-cultes, dans le sillage de la merveilleuse Julie Andrews, que les artistes nous conduisent avec talent pour un véritable show.

L’ensemble Jupiter métamorphosé

On est presque surpris de voir à quel point, notre roi du théorbe et du luth, virtuose des partitions baroques, peut devenir directeur musical, arrangeur, chef d’orchestre, animateur, de cette revue des airs les plus célèbres des comédies musicales des années 50 et 60, tout en jouant de son instrument à la façon de la guitare folk des Joan Baez et Bob Dylan.

Mais au-delà de l’époustouflant numéro de Thomas Dunford, c’est l’ensemble des instrumentistes de l’Ensemble Jupiter, qui adopte un style rétro du siècle dernier, sans hésiter à se donner des allures rock, jazzy, country, à improviser en solo, voire à chanter ou parler en écho aux airs principaux à qui ils donnent la réplique dans le rythme !

Lea Desandre en Julie Andrews

Quant à Lea Desandre, que chacun attend avec impatience et inquiétude, car elle est annoncée souffrante, elle démontre une fois encore que son talent va bien au-delà de l’opéra et de ses rôles emblématiques que sont Cherubino et Despina dans Mozart.

Dans une mise en espace de Sophie Daneman, elle nous livre un véritable show « à la manière de… » la charmante et polyvalente Julie Andrews dont elle possède l’espièglerie, le charme, la souplesse et ce côté mutin si attendrissant avec lequel elle rend brillamment justice à ce répertoire. Quelques années de formation en danse classique, une présence unique sur scène, une capacité à dépasser sa tessiture de mezzo avec des aigus lumineux quand elle chante façon « musical », sont autant d’atouts qui illuminent la prestation.

Julie Andrews a été l’héroïne de plusieurs comédies musicales qui ont donné lieu à des adaptations cinématographiques de référence que nous avons tou.te.s vues, petits ou grands, et qui sont autant de refrains familiers.

Maria de la Mélodie du Bonheur

Après le plaisant « No Mozart Tonight » (1961) de Caroll Burnett et Julie Andrews où Lea Desandre ajoute malicieusement « salle Favart » en référence au lieu (Carnegie Hall dans l’original), la jeune et gracieuse mezzo-soprano aborde aussitôt l’air d’introduction de la comédie musicale The Sound of Music (1959) de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, filmée par Robert Wise en 1966 où Julie Andrews immortalisa pour des millions d’yeux avides et fascinés, l’extraordinaire Maria, fabuleuse gouvernante pour les enfants Von Trapp, famille métamorphosée par sa présence chaleureuse et inventive.

« My favorite things », est chanté par Maria, encore nonne au couvent de Salzbourg, après l’ouverture, tandis qu’elle danse dans les prairies fleuries de l’Autriche, libre et heureuse. Et Lea Desandre lui ressemble quand elle s’élance sur le plateau avec souplesse et élégance. Le chant est divin et elle prouve une maitrise parfaite de la sonorisation propre aux musicals sachant garder les couleurs variées de la technique lyrique tout en les canalisant dans un chant moins extériorisé.

Le spectacle revient ensuite sur les débuts de Julie Andrews. De Noël Coward, nous aurons la « London Pride » (1941) et de Sandy Wilson, le musical « The Boy Friend » (1953) avec son air éponyme. C’est le temps du charleston et Lea Desandre fait des claquettes tout en chantant. D’ailleurs elle ne reste jamais en place et va jusqu’à réaliser une roue parfaite sur le devant de la scène entre autres acrobaties.

Et l’inoubliable Mary Poppins

Si elle n’a pas été choisie pour incarner l’héroïne au cinéma dans le film de George Cukor (où on lui préféra Audrey Hepburn), Julie Andrews a créé et très souvent joué à Broadway, l’héroïne Eliza Doolittle dans le Musical de Frederick Loewe & Alan Jay Lerner, My Fair Lady (1956). C’est donc un plaisir de retrouver ces quelques extraits dont le délicieux et émouvant « I Could Have Danced All Night » que Lea Desandre interprète si bien.

Cinderella (1957) est un téléfilm musical de Rodgers & Hammerstein, moins connu, mais dont on découvre, car au talent de nos artistes, deux airs « Ten Minutes Ago » et « In My Own Little Corner » que Lea Desandre nous décortique avec romantisme et réalisme, se mettant d’abord à épousseter le plateau avec énergie avant de se lover dans un coin, à tel point que l’on croit voir la petite Cendrillon du dessin animé de Walt Disney.

Walt Disney offrit à Julie Andrews le premier rôle « de sa vie », celui de la magique Mary Poppins, avec son très gourmand « Just a spoonful of sugar » pour faire passer le médicament, air qu’elle chante en dansant au rythme des claquettes et armée du parapluie symbole de la gouvernante miraculeuse, et habillée de sa célèbre redingote.

Car Léa Desandre avec un accessoire, une robe, un tailleur, des chaussures (costumes de Hubert Barrère), est capable de « jouer » véritablement le rôle, invitant immédiatement nos souvenirs les plus agréables de ces petites pépites si souvent vues et entendues. Et cet art de se changer sans cesse avec des vêtements suspendus sur cintre côté jardin, n’évoque-t-il pas ces greniers remplis de merveille et l’amour des enfants pour le déguisement ?

Et Thomas Dunford devient chanteur pour l’accompagner dans l’acrobatique « Supercalifragilisticexpialidocious », repris en « bis ».

La trompette, le saxophone se font solistes en improvisation, le piano de Joe Atkins mène également souvent le bal, l’instrumentiste chantant à plusieurs reprises et des répliques peuvent être données ici et là par tous les membres d’un Jupiter métamorphosé en jazz-band, ce qui prouve que bien souvent, la musique n’a pas de frontière, ni stylistique, ni géographique, ni temporelle.

Le programme est riche et varié et recueille de nombreux applaudissements et ovations au cours de l’après-midi.

Victor/Victoria de Blake Edwards sur une musique de Henry Mancini est le dernier film de Julie Andrews, avec l’extraordinaire composition d’une femme travestie en homme et qui joue au cabaret de ses ambiguïtés avec talent. Toute vêtue de noir Lea Dessandre se glisse aisément dans la peau de Julie Andrews interprétant le chanteur pour un inoubliable « Crazy word ».

West side story, où Julie Andrew n’apparaît pas, est choisi en guise de fin de partie avant la conclusion participative. Sans doute parce que le Musical de Stephen Sondheim et Leonard Bernstein, comme le film de Robert Wise, sont des jalons décisifs dans cette période qui vit l’éclosion du talent de Julie Andrew en Mary Poppins comme en Maria de la Mélodie du Bonheur (The sound of music).

L’orchestre en profite d’ailleurs pour nous offrir une très belle ouverture orchestrale et Lea Desandre danse comme l’autre Maria, celle de West Side Story, immortalisée par Natalie Wood dans le délicieux « I feel pretty ». Pieds nus la jeune femme semble s’envoler avec grâce.

Do-ré-mi et la salle tout entière chante

« Et nous revenons à do » avec le do-ré-mi que le public chante de bon cœur en anglais, repris en français en bis, après un très émouvant « Edelweiss » (The Sound of Music également), chanté tout en délicatesse par Lea Desandre, accompagnée par la seule guitare… euh pardon, le luth de Thomas Dunford. Tous deux sont éclairés par un rayon lumineux qui évoque avec un rien de brève tristesse, ce fameux passage tragique du musical, où les Von Trapp doivent fuir le nazisme récemment installé en Autriche en s’enfuyant du Festival de Salzbourg où ils se produisent avec succès sur cet air…

Mais c’est la joie et l’allégresse qui clôturent le concert avec ce « do, le do, il a bon dos » que toute la salle entonne avec joie saluant l’ensemble des artistes pour cette belle après-midi.

Ce concert a eu lieu trois fois durant le week-end, samedi soir, dimanche après-midi et dimanche soir.

« Chasing Rainbows » – Les Mélodies de Julie Andrews.

Opéra Comique, les 13 et 14 décembre 2025.