« Les producteurs » enchantent à nouveau le Théâtre de Paris

Une comédie musicale efficace

Nous avons eu la chance d’assister à la première de ce retour des Producteurs au Théâtre de Paris. Le spectacle commence sans commencer pendant plusieurs minutes pour laisser le temps au public de s’installer tranquillement pour un joli voyage vers Broadway. On se joue et on joue du code de la comédie musicale dans ce pastiche drôle et souvent bienveillant sur l’univers impitoyable des théâtres de New York. L’intrigue et celle du film de Mel Brooks : un producteur qui a été grand, mais accumule les bides ,voit sa vie transformée par la rencontre avec un petit comptable qui a une idée géniale. Pourquoi ne pas transformer les échecs artistiques en triomphes financiers ? Cela demande simplement un peu d’arrangement avec les comptes et pas mal de ténacité. Voilà le duo parti à la recherche du pire script possible pour une comédie musicale… Et la bonne nouvelle et que son auteur est un nazi qui parle aux pigeons, veut redorer le blason d’Hitler et porte des culottes de cuir. La pièce s’appelle Des fleurs pour Hitler et les deux compères partent à la recherche des plus mauvais chanteurs et metteur en scène afin de s’assurer un bide …

Une adaptation française légère et réussie

La fougue de l’adaptation par Alexis Michel repose sur la subtilité des traductions culturelles. Le texte est très bien écrit et très fluide ; chaque jeu de mots est pesé et millimétré. Les références françaises sont bien présentes et ont l’intelligence de se cantonner à l’univers du théâtre (on parle beaucoup des Molières) alors que le Führer évoque les mêmes réactions d’un côté et de l’autre de l’océan. De même, les évocations humoristiques liées aux minorités juives, suédoises (!) et gays prennent les justes points d’appui pour résonner avec un public français de 2025.

Un spectacle enchanteur

Mais le plus grand atout de ce spectacle total, où chaque détail est pensé, est la qualité de ses décors, ainsi que la complémentarité des voix. Florent Peyre incarne avec charisme le producteur Max Bialystok et Alexandre Faitrouni joue avec légèreté et complémentarité le comptable Léo Bloom. La puissance teutonique postillonnante de Régis Vallée permet de lancer le rythme de la pièce, dans un enchaînement de fous rires. À la fois simple, mais aussi kitsch que somptueuse la scénographie est prenante et jamais grandiloquente tandis que les décors glissent comme les déambulateurs des mamies qui veulent le corps de Bialistock. Les chorégraphies jouent avec les claquettes les plus classiques de la comédie musicale des années 1950 qu’elles font tourner – comme les mains des danseurs – avec un brin de danses yiddisch et de samba. Le début traîne, la suite s’emballe avec toute la réflexion maligne que Michalik a su appliquer à l’art très français du vaudeville.

Le tout a l’intelligence de se vivre d’une traite, dans un flot de bonne humeur qui séduit absolument tous les publics. La qualité maintenue de cette pièce à la fois classique et unique en son genre est la meilleure raison d’aller où retourner la voir. Et nous espérons ne pas mettre Michalik ou son producteur sur la paille en contribuant à la suite d’une autre success-story de son cru…