Clôture de Village de Cirque #20 : du cirque contemporain éclectique et généreux pour les parisien·nes

Le week-end de clôture a vu se succéder de belles propositions, avec des expériences de spectateur·rices contrastée en fonction des caprices d’une météo qui n’a pas toujours été clémente.

La proposition En finir, de Johan Swartvagher, que nous n’avons pas pu voir, n’en était pas moins intrigante : sorte de mi-chemin entre une sieste sonore et un documentaire à la première personne, permettant au public coiffé de casques de se plonger dans le récit composé par le jongleur, accompagné à l’écriture par Agathe Dumont. Le circassien y raconte une course de fond un peu folle qui l’a mené, au fil de neuf mois en petites foulées, à lancer ses trois massues au-dessus de kilomètres de routes et de chemins. Une plongée introspective dans une entreprise pas banale, avec la séduction supplémentaire de tenter de faire l’expérience d’un jonglage, discipline très visuelle pour le public, sous la forme d’un récit sonore.

Inertie, de la cie Underclouds, est le spectacle qui a le plus souffert de la pluie, puisqu’il s’agit d’une proposition acrobatique autour d’un agrès qui fait œuvre plastique à part entière tant il est grand et singulier. Pas tout à fait spirale, pas tout à fait barre, tenant un peu des deux mais avec un mouvement circulaire produit autour d’un point fixe, la « structure habitée » crée par Ulysse Lacoste trône au centre d’une piste circulaire un peu surélevée, tel un podium d’exposition. Mais l’on sort de l’impression d’avoir été convié·e dans un musée en plein air quand Chloé Moura et Mathieu Hibon sortent de leur loge secrète pour venir (se) mettre en mouvement. L’agrès leur permet de composer une chorégraphie semi-aérienne à deux corps, avec des passages lents et chargés d’intention, une possibilité étendue de rechercher le point de suspension, des jeux possibles autour de l’oscillation. Le mouvement tient de la roue Cyr, et ne manque pas d’une grâce certaine, l’explosivité en moins. Quand Inertie est programmée à la bonne heure, comme ici au moment où le jour bascule vers la nuit, l’effet devient enchanteur.

BITBYBIT, enfin, des belges de MOVEDBYMATTER et du Collectif Malunés, a déjà largement prouvé sa popularité depuis qu’il tourne en France. Le duo de frères est toujours aussi sympathique, leur utilisation moderne de la discipline de la mâchoire de fer toujours aussi fascinante. C’est un spectacle qui coche un peu toutes les cases : prouesse technique et physique, engagement total du corps, traits d’humour bien répartis, mouvements bien chorégraphiés… Le tout relevé d’une pointe d’ambiguïté, quand l’extrême proximité physique entre les frères cause un trouble quand à la nature de leur complicité – surtout pour celleux qui ne connaissent pas, justement, l’existence de ce lien de famille. À entendre les réactions du public sous le chapiteau, chacun·e ressent dans sa chair, par l’opération d’une sympathie au sens étymologique, les efforts extrêmes consentis par les deux circassiens, ainsi que leurs supposées souffrances, d’autant plus surévaluées que Simon Bruyninckx et Vincent Bruyninckx jouent souvent à les exagérer. Le début et la fin du spectacle prennent le risque de la durée dans la répétition : si l’on est avec les interprètes, cela peut avoir un effet quasi hypnotique, mais on court aussi le risque de décrocher un peu, sans grand dommage puisque les deux circassiens proposent toujours une pirouette au bord du vide pour raviver l’attention.

Cette 20e édition de Village de Cirque donne nettement envie de voir la suite… en 2025. En attendant, la coopérative 2r2c programme quelques spectacles et des sorties de résidence dans le cadre de Rue WATT, son lieu tout juste ouvert à Paris.