Le Collectif Porte27 / Marion Collé présentent les 22 et 23 octobre au festival Circa le spectacle de cirque Traverser les murs opaques
Marion Collé est poète, en plus d’être circassienne, ou peut-être en même temps qu’elle l’est. Elle propose donc une écriture de spectacle singulière, où les mots viennent à la rencontre des images, et composent des paysages suggestifs plutôt qu’explicites. Traverser les murs opaques est à la fois un recueil de poèmes, que l’on peut trouver en librairie, et un spectacle de cirque. Par moments, une voix de femme qu’on imagine pré-enregistrée fait entendre, in vivo et in situ, quelques vers extraits des pages du livre, tandis que les cinq artistes circassiennes construisent de très belles images sur la scène au-dessus de laquelle est tendu un fil. Elles auront affaire à celui-ci à différents égards.
Il y a deux risques dans une telle proposition. Le premier est que les mots et les images se marient mal, et on peut affirmer que l’écueil a été évité ici. Il y a des échos très nets, même si implicites et symboliques, entre le texte qui dit la recherche d’une sensibilité plus vraie, d’un rapport à soi et au monde plus courageux dans son authenticité, d’une résistance à la norme et à l’habitude, d’une part et les corps en mouvement des interprètes, d’autre part. Il y a une part de révolte, mais aussi une part de magnifique sérénité dans les évolutions des circassiennes, qui tantôt luttent avec le fil et la gravité, et tantôt les dominent avec une force tranquille. Le second risque est que la poésie est une chose éminemment subjective, et qu’on n’est jamais bien sûr·e qu’elle entrera en résonance avec les goûts et les images mentales des membres du public. Certainement, certain·es seront touché·es en même temps que d’autres seront indifférent·es.
Pour ces dernier·ères, il restera toujours le geste circassien, ici d’un type non pas ostentatoire et spectaculaire, mais calme et précisément découpé. Il y a quelque chose d’absolument apaisant à voir les deux fildeféristes, Julia Brisset et Chloé Moura, traverser la scène perchées sur le fil, parfaitement en lien l’une avec l’autre, à pas lents et mesurés. Les figures de Colline Caen au trapèze, pas stoppées au point de ressembler à une suspension de Chloé Moglia, mais suffisamment ralenties pour déjouer les attentes que l’on peut avoir vis-à-vis de cet agrès, ont un côté hypnotique. La façon dont cinq parcours individuels sont esquissés par les cinq soli initiaux, pour que la dramaturgie les fasse ensuite converger vers des scènes de groupe, se fait très habilement.
Traverser les murs opaques apparaît comme un objet de cirque assez rare, en ce qu’il ose très ostensiblement la poésie brute, sans passer par le détour d’une narration ou d’une auto-fiction, et sans chercher aucunement le spectaculaire. C’est comme une respiration, une tentative à part dans la création contemporaine.
Visuels : © Philippe Cibille