Révolte ou Tentatives de l’échec est un spectacle de cirque de la compagnie les filles du renard pâle créé en 2023, et présenté du 18 au 20 octobre 2024 au festival Circa.
Dans la catégorie des spectacles de cirque qui envoient – du risque, des images fortes, du gros son – la compagnie les filles du renard pâle se sont taillées un nom, ou, pour être plus précis, Johanne Humblet, qui en est la directrice artistique. Révolte ou Tentatives de l’échec ne déroge pas à la règle : on en prend plein les yeux et plein les oreilles. C’est sans doute pour cela que le spectacle tourne autant : cela correspond à une certaine idée du cirque, révolté justement, punk éventuellement, avec une esthétique sombre et une bande son saturée. C’est presque un concert de cirque d’ailleurs : 1 scène égale 1 numéro égale 1 morceau. Mais, dans ce cas, un concert de cirque avec des images vraiment impressionnantes.
Les ingrédients sont bien là. La scénographie est soignée, avec des espaces très découpés par la lumière, un fil tendu en travers de la scène qui définit un espace haut, une roue giratoire – agrès massif, sorte de roue allemande montée sur deux axes solidaires d’une base fixe – et divers accessoires, dont un filet qui vient barrer la totalité de la cage de scène à un moment, et un couloir de pluie. La musique est très rock, et va jusqu’au stoner bien lourd, en passant par de l’électro ou du violon qui restent cependant dans le ton – on peut saluer ici le travail des deux musiciennes live, Annelies Jonkers et Fanny Aquaron, qui ne manquent pas de talent pour se glisser dans les interstices de parties musicales pré-enregistrées. Les costumes sont très beaux, et rappellent un univers de comics et de superhéroïnes qui va bien avec l’univers du spectacle.
Les trois circassiennes qui évoluent sur scène sont excellentes dans leur partie. Johanne Humblet elle-même n’a plus rien à prouver en tant que fildefériste. Elle ajoute ici d’autres évolutions aériennes, accrochée au filet ou harnachée pour une scène de combat sous la pluie digne d’un Tigre et Dragon, ou plutôt d’un Matrix vu les effets de ralenti. Sa partenaire à ce moment et globalement pour toutes les scènes en aériennes est Violaine Garros, qui a suffisamment de présence scénique pour ne pas pâlir à côté de Johanne, et suffisamment d’énergie et d’agilité pour se démarquer. Marica Marinoni, excellente artiste de roue Cyr, fait ce qu’elle peut pour rendre intéressant ce dispositif énorme, mais complètement statique, posé à fond de scène, dont on peine à comprendre le rôle dans le spectacle. Beaucoup plus intéressant à regarder à cour est le technicien qui manipule les nombreuses longes dont Johanne et Violaine ont besoin, notamment pendant leur combat, durant lequel on le regarde au final beaucoup dans la mesure où la chorégraphie lasse assez vite.
Généralement, il apparaît que Révolte ou Tentatives de l’échec souffre d’un problème d’écriture. Outre le fait que cette roue est utilisée de façon trop anecdotique pour la place qu’elle prend, elle est entièrement coupée des autres espaces sur scène, et c’est vrai également des musiciennes, reléguées au fond à jardin. Les rares fois où les interprètes circulent hors de ces espaces ont l’air complètement artificiels, comme ajoutés à la toute fin, et n’ont aucun sens dramaturgiquement. En outre, le spectacle manque d’espaces de respiration.
Quant au propos, on sent bien qu’on essaie de nous faire cheminer dans une histoire, mais, sauf peut-être à capter le contenu des paroles des chansons, en anglais et écrasées par les guitares et les basses, on a bien de la peine à comprendre qui sont ces personnages, contre quoi elles se révoltent, pourquoi elles se battent pour ensuite se tenir embrassées. On comprend bien qu’il y a lutte, mais de quelle nature et contre quoi, on ne saura jamais, ce qui fait que le propos, de politique qu’il aurait pu être, devient assez vain. On pourrait même ajouter : pourquoi ce filet, pourquoi la pluie, pourquoi Marica dans sa roue tel un hamster ?
Et enfin, même si la technique circassienne est indéniable, la prise de risque est en fait assez minimale – ce n’est pas un problème en soi, mais c’est inattendu de la part des filles du renard pâle, et peu cohérent au vu du titre du spectacle.
Au final, c’est du grand spectacle, et on pourrait s’en satisfaire, mais Révolte ou Tentative de l’échec est un peu en deça de ce qu’on espérait. Cela reste un plaisir facile de spectateurice, mais il ne faut pas trop gratter sous les paillettes.
Visuels © Kalimba