“Newroz” : autofiction de cirque d’une exquise sensibilité

Bahoz le confesse presque dès le début de Newroz : il est français. Malgré la couleur de sa peau, il est certifié, conçu et produit en France. Plus français que beaucoup de produits vendus dans les rayons des supermarchés. Pourtant, pour la vieille femme en haut de la colline, il est « l’arabe ». Pourtant, pour les gendarmes, il est suspect de vouloir se rendre à la fête du cochon. Bienvenu dans le récit de vie d’un homme victime de racisme ordinaire, et qui en tire un spectacle sans amertume.

Les parents de Bahoz sont kurdes, et c’est riche de cet héritage que l’artiste se présente au public dans cette autofiction à la première personne, presque un témoignage, plein de pudeur, mené avec beaucoup de douceur et un ton très posé – à dire vrai, même, mené avec le sourire. L’acrobate est également un musicien accompli, avec une voix merveilleuse : s’accompagnant de son oud et de sa basse, il ponctue le spectacle de moments musicaux empreints de grâce qui contribuent à la légèreté de Newroz.

Un spectacle d’une grande humanité, par un artiste d’une grande beauté

Neroz est le spectacle attachant d’un artiste qui ne l’est pas moins. Une parole simple et directe, juste, posée. Le récit tout de même un peu désabusé d’un homme que sa peau distingue parce qu’il vit dans un pays où cela constitue malheureusement un fondement de préjugé pour une partie de ses concitoyen⸱nes. D’un homme qui aime pourtant son prochain, au point de lui préparer et de lui offrir un thé en plein spectacle.

Difficile de parler de la partie acrobatique de Newroz, la pluie tombée sur Châlons-en-Champagne ayant rendu les sauts périlleux… encore plus périlleux. Du peu que l’on a pu en voir, et vu le dispositif scénographique dont le déploiement vertical donne le vertige, il y a fort à parier que le vertige est au rendez-vous par temps sec. Mais, même en l’absence des évolutions acrobatiques, on ne peut que remercier Bahoz d’avoir amené un spectacle aussi sensible au cœur de l’espace public. Faire acte de générosité – et s’exposer – un peu partout dans les rues, à la rencontre de l’Autre, n’est-ce pas le meilleur moyen de démontrer que celui qu’on croit différent pourrait bien se révéler être notre meilleur voisin ?