Tout, dans « Moon – Cabinet de curiosités lunaires », semble être suspendu. Surtout les acrobates. Présenté au Jardin des Tuileries dans le cadre du Festival Paris l’Été, ce spectacle assez court, constitué de quatre saynètes d’une dizaine de minutes, chacune centrée autour d’un élément de décor différent, nous garde en haleine d’un bout à l’autre.
Une table et deux chaises. Douze pieds, mais seulement six au sol. Plus loin, trois modèles différents de barres métalliques reliées à des poids, sortes de machines du futur. Les trois interprètes de Moon – Cabinet de curiosités lunaires (Bastien Dausse, Morgane Maret, Julieta Salz, Alvaro Valdés et Romane Viver en alternance) passent d’un décor à un autre, usant toujours intelligemment des machines et accessoires conçus pour les faire voltiger.
Bastien Dausse, à l’écriture, la conception et l’interprétation du spectacle, définit Moon comme étant « plusieurs tentatives pour défier la pesanteur ». En effet, le spectacle porte bien son nom : les artistes marchent, sautent, tiennent en équilibre comme s’ils étaient sur la lune, comme si la pesanteur et les lois de la physique de la Terre ne s’appliquaient pas à eux. Sur fond de musique rythmée, mais légère, comme si suspendue elle aussi, voilà les acrobates qui décollent, font des pas de plusieurs mètres de haut, exécutent des tours sur eux-mêmes dans les airs et atterrissent en toute légèreté, sans jamais avoir recours à des mouvements brusques.
C’est un spectacle poétique, enivrant, suspendu dans le temps qui nous permet de souffler en ne se concentrant sur rien d’autre que la beauté des gestes lents, répétés, mais toujours amplifiés et embellis. Un bel hommage également au collectif : même si trois des quatre pièces s’effectuent avec un ou une acrobate seul·e durant la quasi-totalité de la performance, iel a toujours besoin de ses camarades : quelqu’un·e l’attache, quelqu’un·e le ou la détache, ou alors vient pour faire contre-poids, toujours dans une forme de lenteur poétique, et surtout toujours en se regardant droit dans les yeux.
C’est aussi une ode à la relation entre les gens et les choses : entre les acrobates et leurs machines, entre les acrobates et l’air, entre les acrobates et le sol, mais aussi, et surtout entre les acrobates entre eux ; relations permises notamment par le regard que l’on sent très travaillé : tout se joue dans ce regard, on regarde sa machine pour bien s’accrocher, on regarde les airs pour bien s’élancer, et on se regarde les une·s les autres pour bien communier.
Une performance délicate, prenante, qui nous laisse sur le simple regret qu’il n’y ait pas plus de moments communs entre les acrobates : le premier duo présenté fonctionnait si bien que nous sommes presque tristes par la suite de n’assister qu’à des parties solos.
Spectacle à retrouver le 25 juillet à l’espace 600 à Grenoble à 18h30, les 30 et 31 août au GDIF à Londres, le 19 septembre pour l’ouverture de la saison culturelle de la ville de Bondy à l’Esplanade Claude Fuzier, les 20 et 21 septembre dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine, et les 4 et 5 octobre pour la réouverture de l’Académie Fratellini.
Visuels : © Leontien Allemeersch / Vincent Beaume / DYOD / Zina Kenens / Katrien Buysse / Alice Casenave / Tran Duy-Laurent.