En guise de clôture, le festival MARTO nous invite à L’Azimut, Espace cirque à Antony, pour nous faire découvrir l’immense chapiteau des Frères Forman et leur nouvelle création spectaculaire : La Conférence des Oiseaux.
La Conférence des Oiseaux est un récit du Persan Farid al-Din Attar (1142-1220) inspiré de l’un des plus célèbres contes soufi. Dans ce poème perse est déployée une allégorie de la rencontre entre l’âme et son vrai roi à travers l’histoire d’un groupe d’oiseaux partant à la recherche d’un certain Simurgh, afin de le prendre comme roi et de rétablir la paix dans le monde.
Au terme de cette épopée, après avoir traversé de dures épreuves, ils découvrent que le Simorgh n’est autre qu’eux-mêmes, leur moi profond : « Le soleil de ma majesté est un miroir. Celui qui se voit dans ce miroir, y voit son âme et son corps. Il s’y voit tout entier. » dit Simorgh aux oiseaux.
Inspiré par ce récit poétique, Petr Forman fait appel à dix-neuf comédien·ne·s et danseur·euse·s venu·e·s des quatre coins du monde et les transforme en oiseaux plus colorés les uns que les autres. Avec la huppe fasciée, meneuse du groupe, le rossignol, la perdrix, le paon, le hibou, la mésange bleue, etc., le metteur en scène tchèque nous conte une histoire plus qu’il nous initie à la beauté poétique du récit.
Dès notre arrivée, nous choisissons un masque d’oiseau, obligatoire pour entrer dans l’immense chapiteau. Pénétrant cet étonnant espace, nous traversons un couloir de miroirs, décoré de lanternes et paravent d’inspiration perse. L’immersion est totale.
Guidé·e·s par des êtres aux longues barbes et longues mèches, nous nous installons sur des gradins gigantesques, face à une scène toute aussi surdimensionnée.
Au cours du spectacle, la scène et ses décors se métamorphosent. Les étoffes qui réchauffaient l’espace sont retirées et laissent place à des rideaux blancs frangés sur lesquels des images animées en 3D se dessinent. Nous sommes à la fois au cinéma et au cirque, c’est incroyable, unique.
Pourtant ce caractère spectaculaire et ce gigantisme prend malheureusement le dessus sur le conte et sur ses ouvertures poétiques. La profusion d’images animées vient brouiller les scènes dansées des oiseaux tout comme la musique a tendance à grignoter les paroles et le récit de la voix-off.
Nous sommes un peu submergé·e·s par tous ces artifices, bien que magnifiques et délicieux à regarder.
Les costumes et masques signés par Josef Lepša, Lenka Polášková, Michaela Mayrová et Vjačeslav Zubkov, sont magnifiques. Les différentes espèces d’oiseaux sont clairement identifiables et leur véracité est accrue par un travail de maquillage remarquable. Les comédien·ne·s et danseur·euse·s sont des sortes d’hommes et femmes-oiseaux, leurs ailes tiennent au bout de leurs mains, ils et elles volent en courant, planent en étirant les bras. Chacun et chacune interprète son oiseau par des mouvements caractéristiques et crie un chant qui leur est propre.
Dans de mystérieuses boites vitrées, les êtres barbus qui nous accueillaient se transforment en oiseaux puis, à la fin, retirent leur masque pour retrouver une apparence humaine. Ces boîtes perdent leur opacité lorsqu’elles sont éclairées et offrent un effet visuel très particulier, une sensation de ralenti, de distance très intéressante. Tous les décors et costumes révèlent une recherche plastique et esthétique singulière et admirable de la part des équipes et notamment de Josef Lepša et Petr Forman.
Ainsi, malgré le manque d’ouverture poétique et l’avalanche d’effets visuels et sonores, La Conférence des Oiseaux est un impressionnant spectacle immersif qui nous en met plein les yeux par la beauté de ses décors et de ses costumes.
D’après le poème éponyme de Farîd al-Dîn Attâr
Mise en scène : Petr Forman
Scénario : Ivan Arsenjev, Petr Forman et Jean Claude Carrière
Création plastique : Josef Lepša
Scénographie : Josef Lepša et Petr Forman
Musique : Simone Thierrée
Costumes et masques : Josef Lepša, Lenka Polášková, Michaela Mayrová, Vjačeslav Zubkov
Conseiller littéraire au sujet d’Attar : Nora Sequardtová
Voix : Denis Lavant, François Brice, Laya Khanjani
Remerciements : Antoine de La Morinerie
Avec : François Brice, Manuel Ronda, Rob Hayden, Marek Zelinka, Milan Herich, Maureen Bator, Daniel Raček, Petr Forman, Veronika Švábová, Tereza Krejčová, Miroslav Kochánek, Zuzana Sýkorová, Petr Horký, Ivan Arsenjev, Petr Vinecký, Philippe Leforestier, David Pražák
Visuels : ©Irena-Vodakova