Avec Ombres Portées, Raphaëlle Boitel révèle par le corps la véhémence silencieuse d’un secret de famille. La danse, le théâtre et le cirque se lient pour rythmer un drame fort et sensible aux allures cinématographiques. A travers l’ombre et la lumière, la Compagnie L’Oublié(e) fait brillamment apparaitre la beauté des êtres qui luttent pour exister.
Sur sa corde volante, Vassiliki Rossillion apparaît et disparait. Dans les paroles de son personnage, K, la peur se mêle à la joie puis, son ballant se transforme en rage. Comme arrachée à l’enfance, elle marque, dès le début du spectacle, une rupture. Ses mots deviennent ensuite des murmures face au silence et au déni des autres membres de la famille.
Les personnages révèlent peu à peu leur face sombre, chacun et chacune porte son ombre, son secret caché. Dans Ombre Portées, Raphaëlle Boitel souhaite explorer les non-dits et leur influence car les secrets ont un pouvoir agissant sur notre construction, sur notre parcours et notre destin. Poétique et intime, la dramaturgie est montée sur des mots cachés. Et c’est alors le corps qui parle le mieux.
L’expression des corps, la danse des membres de la famille raconte une histoire qui tournoie autour de la figure d’un père blessant et silencieux. Entre déchirements et guérisons, ce tableau à l’allure cinématographique relate la vie d’une famille bousculée par un secret dont on ne peut que deviner les contours.
Sur scène, le décor mobile fusionne avec la lumière, tous deux façonnent un espace unique et métaphorique. La lumière de Tristan Baudoin est plastique, malléable. Les rayonnements viennent subtilement complexifier les personnages. La lumière est narratrice, elle s’amuse à révéler autant qu’à cacher, nous abandonne dans le clair-obscur du secret. Le travail de parole et d’émotion de la lumière est très réussi et épatant.
La culpabilité, les bousculements intérieurs et le courage des personnages ressortent par les mouvements chorégraphiés des interprètes. Leurs corps sont frappés par la lumière et les sons. La superbe musique originale d’Arthur Bison se lie aux rayons stroboscopiques pour sculpter avec nervosité et sensibilité le spectacle.
Ombres Portées est une création forte, profonde et touchante, c’est une œuvre entière.
Du 5 au 23 novembre au Théâtre Silvia Monfort.
Mise en scène et chorégraphie Raphaëlle Boitel
Collaboration artistique, lumière, scénographie Tristan Baudoin
Musique originale Arthur Bison
Machinerie, accroches, plateau Nicolas Lourdelle
Espace sonore Nicolas Gardel
Interprètes Tia Balacey, Mohamed Rarhib, Nicolas Lourdelle, Alba Faivre, Vassiliki Rossillion, Alain Anglaret
Visuels : © Christophe Raynaud de Lage
© Pierre Planchenault