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«Le repos du guerrier» : l’auto-fiction est un sport de combat, même pour un circassien

par Mathieu Dochtermann
31.10.2023

Toute récente création d’Edouard Peurichard, Le repos du guerrier est un spectacle de cirque et théâtre présenté dans le cadre du festival Circa. Ce seul-en-scène joue sur le brouillage entre la frontière du vrai et du faux, du réel et du fictif, avec beaucoup de malice. Quelques roulades, du lancer de couteaux, un peu de vidéo… un spectacle composite comme un patchwork de rêves, qui raconte un peu de l’intimé d’un artiste de cirque.

Auto-fiction bien romancée

 

Quand on lit le résumé de ce spectacle, par exemple celui mis en avant par circusnext dont Edouard Peurichard est un des lauréat sélectionnés, on y trouve une ambition assez folle de faire le tour de tout ce que signifie le cirque, non seulement pour celleux qui le pratiquent, en professionnel ou en amateur, mais aussi pour celleux qui aiment le regarder.

 

C’était sans doute mettre la barre impossiblement haut ; aussi Le repos du guerrier est-il moins universel, plus centré sur l’exploration du parcours singulier de son auteur, révélant par petites touches une partie de son trajet intérieur, des raisons pour lesquelles il aime son art et son métier. Et c’est tout à fait suffisant : entre les traits d’humour, on discerne les contours d’une personnalité attachante, le goût du lien avec autrui, l’envie de hisser sa propre pratique au niveau des chocs esthétiques qui l’ont déterminé lui-même en tant qu’artiste.

 

Un seul-en-scène à deux (ou plus si affinités)

 

Pour peindre ce paysage intérieur, sans fausse pudeur mais avec la distance permise par l’auto-dérision (“J’ai remporté la médaille d’or, mais ce que je savais pas c’est que j’étais seul à concourir dans ma catégorie », dit-il ainsi de son premier concours de gymnastique), Edouard Peurichard utilise autant l’écriture visuelle ou corporelle que textuelle.

 

Son monologue, lors même qu’il l’interprète avec justesse, aurait pu lasser : aussi a-t-il eu la bonne idée d’inviter un·e membre du public à venir le rejoindre, ce qui donne lieu à de très intéressantes interactions. D’abord parce que s’improvise un pas de deux touchant, en direct, qui passe par le corps autant que par les mots, mais qui débouche finalement sur la lecture par l’invité·e d’un dialogue préparé : cela creuse la veine de la dichotomie réalité-fiction. Ensuite parce que cela lui permet, toujours avec humour, d’explorer le rapport au risque et à la fascination qu’il entraîne, quand il fait mine d’utiliser cette personne pour un numéro de lancer de couteau.

 

Patchwork drôle et touchant

 

Au passage, l’artiste dissémine des indices de sa faillibilité voire de sa maladresse, cite quelques spectacles qui l’ont marqué, utilise la vidéo pour faire voir une fausse visioconférence ou des archives personnelles (c’est convenu) mais aussi pour jouer avec des images de ce qui s’est passé au plateau (cela l’est moins), nous parle avec une tendresse touchante de Françoise, une dame de 96 ans avec qui il a développé une très belle relation… Cela part un peu dans tous les sens, même si le fil rouge de l’autoportrait par touches impressionnistes est tenu.

 

En allant du comique vers l’émouvant, Eduard Peurichard nous invite à le suivre dans son amour du spectacle, du langage du corps et du mouvement, de la rencontre. On sent qu’un propos sous-jacent sur le cirque comme lieu de la rencontre paradoxale entre un corps qui s’expose à un risque bien réel et une dramaturgie construite, mais cette partie du propos, qui pourrait prétendre à être plus universelle, se perd dans le bouillonnement de la proposition. Reste un témoignage drôle, vivant, bien ficelé, mené par un artiste attachant qui n’a pas peur de se jeter du haut d’une table : c’est déjà beaucoup, et Le repos du guerrier est un spectacle qui se voit avec beaucoup de plaisir.

 

 

GENERIQUE

De et avec : Edouard Peurichard.
Création lumière et régie générale : Manolie Fontanière.
Accompagnement artistique : Christian Coumin.
Accompagnement à la structuration : Lorraine Burger.
Visuel © Francis Rodor