Alain Reynaud / cie Les nouveaux nez est présent lors du festival Circa à Auch, où il présente son seul en scène intitulé Le Pas Seul, du 20 au 22 octobre.
Le clown est un art infiniment subtil. Écrire un spectacle de clown est une gageure, une entreprise paradoxale dans son essence. Pourtant, Alain Reynaud s’y frotte et s’y re-frotte, et livre ici, pour la première fois, un solo. Mais, élégance ou peur de se jeter tout seul et tout nu dans la fosse au lions, il se débrouille pour être Pas Seul. Pas seul : dans sa tête ? Certainement, et la galerie de personnages pas piqués des hannetons qui le traverse à la faveur de changements de costumes à vue n’est pas pour dissiper cette impression. Mais pas seul non plus dans la salle, car l’artiste et son clown, le dénommé Félix Tampon, ont l’amour d’autrui chevillé au corps, et la volonté de se frotter le plus possible aux membres du public, des fois qu’à force d’étincelles le feu prenne.
Alors, évidemment, ça ne fonctionne pas à tous les coups, mais parfois on tombe sur une belle pépite, et la rencontre provoque un instant de grâce, le temps d’un clin d’œil ou d’une chanson. Parce que Félix est venu avec son accordéon – et avec son carnet de travail, son téléphone, son nez rouge, tout un fourbi de choses assez ordinaires et par-là même tout à fait remarquables. Tout ça pour parler d’histoires : de celles qui s’écrivent, de celles qui sont vécues, de celles qui se partagent. De loin en loin, Alain Reynaud dissémine des petits bouts de son expérience, il donne à sentir la difficulté de l’aventure que c’est de se pointer face à cette page blanche, de construire un spectacle qui ne fasse pas rire contre, mais avec. Il aurait peut-être dû être conteur, mais le destin a voulu qu’il soit clown…
L’artiste se met en risque au passage, et se dévoile un peu. Il s’expose, mais il compte sur le fait que sa générosité lui soit rendue, et sa bienveillance : il n’est pas seul, parce qu’il n’est rien sans le public, c’est un pas de deux, une histoire d’amour qui mériterait qu’on lui chante une sérénade. Le Pas Seul est un spectacle qui recèle beaucoup de générosité, et aussi – c’est peut-être paradoxal pour quelqu’un qui a son nom en haut de l’affiche – une certaine forme d’humilité. Même quand il imite des accents, Alain Reynaud arrive encore à s’en sortir – peut-être parce qu’il le fait avec tendresse, peut-être parce qu’il a le sien également, peut-être parce que Félix peut se permettre ce qu’Alain ne peut pas, peut-être un peu de tout ça.
Lorsqu’il a été présenté au festival Circa, Le Pas Seul était encore très jeune, et cela se ressentait un peu : des endroits où la tension tombait de façon involontaire, un rythme pas tout à fait calé – dans l’humour, le timing est au coeur de tout –, un interprète dont on sentait qu’il n’avait pas encore toute la latitude de se mouvoir avec la liberté et la folie requise dans sa partition. Une fois que tout cela sera rodé, on aura exactement ce que le spectacle promet : du clown tendre, le témoignage d’une vie à baigner dans la création, un geste d’amour pour relier les gens à l’art – et les un·es aux autres.
Visuel : ©Lena Reynaud