Charly Lanthiez présente un solo poétique où il parvient à traverser le tragique en le faisant affleurer par la mécanique du rire.
L’ambiance est posée dès l’entrée en scène. La catastrophe a déjà eu lieu. Le décor est brinquebalant, une ruine prête à s’effondrer, mais tout tient, encore un peu, encore quelques instants, peut-être juste pour le temps de la représentation. Le temps a passé, les herbes ont poussé sur les murs à la tapisserie fleurie, le toit a été arraché et l’enfant revient dans la maison d’enfance. Il a grandi, se présente dans un état aussi délabré que celui de la maison, dans des vêtements trop grands pour lui, un pied nu, l’autre avec une chaussure en morceau, un casque de soldat et un nez rouge parsemé de poussière. Maladroit, malhabile, étourdi, trop grand dans cette maison de conte aux fenêtres de hobbit, il se cogne aux portes, aux fenêtres, et cherche sa mère, indéfiniment.
Au sein de la proposition de ce solo clownesque, si le comique de répétition est nécessaire pour atteindre l’effet escompté, parfois il se heurte à la fois de trop, parfois il semble dispensable et puis, parfois, il y a quelque chose de l’ordre de la grâce qui advient. Une des trouvailles est de raconter le pire sans le nommer, justement à travers ce comique de répétition, qui prend ici la forme de la blague de la « soupe » et du « lait », souvenir d’enfance heureux qu’il ressasse sans cesse auprès des spectateurs jusqu’à nous épuiser. Dans le bon sens du terme. Le tragique apparait alors dans toute sa splendeur. Puisque de lait et de soupe, il n’y en a plus depuis longtemps, qu’il n’a sans doute pas mangé depuis des jours et que sa mère ne reviendra sans doute jamais. Notre rire devient alors inquiet, étouffé, silencieux. Et c’est là où réside la force de ce spectacle : donner le temps aux spectateurs d’éprouver différents états de rire.
Théâtre de l’Albatros, du 3 au 21 juillet 2024 (relâche le 9 et 16)
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