Comment se renouveler encore pour une 52ème édition quand la figure fondatrice d’Alexis Gruss a disparu ? La réponse est à la croisée des arts du cirque et de la musique pour lui rendre hommage. Menées par Stephan Gruss, les Folies Gruss ont ouvert leurs portes jusqu’au mois de mars et c’est toujours aussi magique. Et peut-être plus.
Sous le grand chapiteau d’Auteuil, le spectacle s’ouvre dans une ronde équestre époustouflante. Très vite, l’émotion est au rendez-vous. Alexis Gruss, disparu en 2024, est partout, jusqu’à la fin et les projections de son visage. « Je veux qu’on continue de raconter l’histoire de notre famille », dit son fils et successeur Stefan Gruss. C’est exactement ce que propose cette 52e création, en nous exposant, en plus, des questions aux répétitions, les scènes de ce spectacle de 2 heures.
Dès les premières minutes, la question du « comment faire » se glisse dans le fil du spectacle. Comment faire vivre l’esprit d’un patriarche tout en inventant de nouvelles formes ? Il s’agit de continuer. Et d’abord de rendre hommage à la matriarche Gipsy avec la chanson « Elle l’a fait ! »
Car, oui, tout le monde chante et 7 musiciens jouent dans ce spectacle qui s’assume comme total, dans une inspiration que Stefan Gruss relie à Gene Kelly. La grande force des Folies Gruss, c’est cette fusion unique qu’elles appellent « la comédie musicale équestre et saltimbanque». Le chevaux de Maud Gruss dominent donc, mais sur leur dos, l’on jongle, attrape des cordes et l’on voltige.
Ce qui n’empêche pas des numéros solo d’acrobaties aériennes – corde lisse, trapèze, sangles… Au dessus de la piste, une arche porte les musiciens et la chanteuse et compositrice Margot Soria, tandis que les générations défilent dans des costumes de Sylvain Rigault qui eux aussi oscillent entre tradition et création (On a un coup de coeur pour les perfect blancs à la Courrège relevés de damiers en couleurs portés par les 4 femmes et hommes qui se relaient dans le numéro des Jockeys).
La 6e génération Gruss s’affirme pleinement, à la fois respectueuse de la tradition et résolument contemporaine. Stéphane Gruss, chef d’orchestre du rêve, passe sans effort de la trompette au tango, du fouet au jonglage sur selle. Probablement au début du collège, Gloria Flores chante et maîtrise la corde lisse et les plus jeunes racontent volontiers comment leur grand-père leur a inculqué l’obsession du travail. Le spectacle culmine dans un moment lumineux et solennel où la famille s’empare de tambours qui entourent le public et résonnent sous la toile du chapiteau. Complice et absolument géniale, cette famille n’a pas fini de nous surprendre. Et elle commence par nous offrir, sous la forme la plus aboutie, un cadeau merveilleux où bat le cœur de leur grand-père. Leur 52e création est la plus belle définition de la transmission.
Visuels © Olivier BRAJON