Une yourte dans le Cirque Électrique, aux abords de Paris, et quelques dizaines de spectateurs curieux entassés devant, qui attendent de comprendre ce qui les attend : voilà la première impression, aussi mystérieuse qu’excitante, qui nous saisit en cette froide soirée d’octobre. Reclaim, c’est une expérience immersive dont on parle dans le fumoir d’un club ou dans les allées d’un musée, mais personne ne sait vraiment de quoi il s’agit.
Soudain, on nous invite à prendre place. Les bancs encerclent une scène centrale éclairée, où repose un tronc d’arbre. Deux violoncellistes pieds nus nous regardent, et quelques danseurs semblent déjà installés parmi le public. Puis soudain, la puissante détonation d’un tambour, de celles qui vous mettent en transe, vient faire taire l’assemblée. L’expérience débute, et c’est un cri déchirant porté par cinq circassiens et une chanteuse lyrique qui nous saisit dans cet espace qui les encercle et les enferme avec nous.
Mi-voyeurs, mi-victimes, nous observons d’abord ce rituel aussi bestial qu’humain, où les corps sont mis à rude épreuve. Entre pirouettes, saltos, portés acrobatiques, cris, hurlements, sauts dans les gradins face à des spectateurs médusés, Reclaim est un élan primal où les instincts animaux prennent le dessus sur le discours de la raison. L’énergie folle qui émane de cette troupe, aux allures de cirque, à la fois monstrueuse et sauvage, parfois même effrayante, ne nous laisse aucun répit : pendant une heure, nous sommes à la merci de ces créatures qui rôdent, rampent, jaillissent, et rugissent, délivrant des messages forts tout en laissant libre cours à notre imagination.
S’agit-il d’humains possédés par des forces démoniaques ? Ou bien de l’humanité qui tente de se sauver par un ultime sacrifice ? L’enfant-marionnette qui ouvre et clôt le spectacle nous condamne-t-il ou est-il symbole de rédemption ? On peut lire sur leur site que le rituel présenté est « librement inspiré du Ko’ch en Asie centrale, où les femmes tentent de construire un rapport égalitaire avec les hommes, dans le but de proposer un monde plus juste aux générations à venir ». Mais finalement, c’est surtout un spectacle unique qui fait appel à nos sens, à nos tripes, et qui nous secoue de l’intérieur pour nous laisser sans voix lorsque le tambour, à nouveau, vient clore cette parenthèse irréelle. Une heure est passée. Et on en reclaim encore… Malheureusement, la dernière est ce dimanche 6 octobre, mais nul doute que Patrick Masset, metteur en scène, et la troupe d’artistes transdisciplinaires, Théâtre d’un jour, vont perpétuer « cet acte de résistance » encore longtemps.
Jusqu’au 6 octobre au Cirque électrique
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage