Danse avec les poules : « A ciel ouvert », entre foire et ferme

Univers bohème-déglingué

C’est une enceinte pas banale : un carré fait de caravanes et de semi-remorques qui abritent des gradins sur lesquels peut prendre place un public nombreux. Des auvents et une grande toile accrochée à un pont au-dessus de l’espace ainsi délimité protègent un peu des éléments, mais l’ensemble reste ouvert au vent, aux changements de température, aux bruits extérieurs. Comme une variation sur le chapiteau, un espace aux prises avec son environnement, qui évoque en même temps fortement l’univers du nomadisme, un imaginaire qui va facilement avec le cirque.

Dans le carré en terre ainsi délimité vont évoluer humains et animaux. Du côté des premiers, qui ont leur demeure dans certaines des caravanes, on trouve deux musiciens, Helmut Nünning et Hugo Piris, et surtout Victor Cathala et Kati Pikkarainen, les deux fondateurs du Cirque Aïtal, l’un dans le rôle d’un fermier à moitié sauvage – il ne prononce pas une parole du spectacle – et l’autre dans le rôle d’une espèce de gourou sadique assez inquiétante. Mis à part quelques discrets portés, l’essentiel du spectacle consiste en une sorte de théâtre physique et musical destiné à installer un univers étrange, sauvage, brut et instinctif.

Un théâtre physique saupoudré de cirque

Pour participer à peindre ce petit microcosme dont les protagonistes semblent avoir décidé de tenter un retour à la nature qui passe par des relations humaines très primales, toute une troupe aviaire est invitée à participer à la représentation : poules, pigeons et canards semblent à leur aise sur la piste faite du sol du terrain herbeux où s’est arrêté ce drôle de cirque, participent à quelques modestes numéros de dressage, mais créent surtout, passée la surprise initiale, une présence continue qui participe à la poésie simple de cet univers peuplé de drôles de coucous. L’imagination du public est d’autant plus sollicitée que beaucoup de choses se passent hors-champ, derrière le secret des portes et des rideaux des caravanes.

Au final, Victor Cathala et Kati Pikkarainen sortiront une bascule et offriront un numéro de main-à-main, tous les deux extrêmement bien maîtrisés. On n’est pas vraiment certain de ce qui s’est joué chez les personnages pour les inciter à revenir à ces figures circassiennes, après un long spectacle de clown physique : le personnage de Kati Pikkarainen semble être le pivot de cette bascule, mais cette partie de la dramaturgie, comme d’ailleurs le passage de deux enfants sur la piste, reste mystérieuse. Qu’importe : c’est l’occasion pour Victor Cathala et Kati Pikkarainen de rappeler qu’ils sont toujours aussi bons d’un point de vue technique.

A ciel ouvert reste, essentiellement, un spectacle d’ambiance et de théâtre physique, plus que de cirque de performance. Il essaie d’instaurer une poésie faite d’un imaginaire un peu bohème, un merveilleux un peu déglingué qui tirerait une authenticité de la communion avec les animaux. On y sera sensible, ou pas, c’est selon, comme on adhérera, ou pas, à la dernière image un peu cliché. Cela reste drôle, par moment émouvant, avec un accompagnement musical très qualitatif – Hugo Piris est éblouissant, particulièrement quand il continue à jouer sans fausse note alors qu’il est porte par Victor Cathala –, et quelques figures acrobatiques impeccablement maîtrisées, ce qui est déjà très bien pour passer un bon moment en famille.