Le Studio est un des espaces de la Philharmonie dont on ne connaît pas toujours l’existence. Bien conçu et agréable, il s’avère parfait pour proposer au public si ce n’est des expériences tout du moins d’autres manières d’appréhender la musique. Sa taille (190 places), son acoustique, le rapport scène/ salle apportent la proximité nécessaire pour goûter à des projets tels que Cage 2, rencontre de la danseuse Élodie Sicard et du pianiste Bertrand Chamayou.
Quatre pianos sont disposés aux quatre coins de l’espace, à jardin comme à cour des tabourets qui vont accueillir la danseuse mais aussi la préparatrice des pianos, personnage indispensable qui officiera à chaque changement de piano. Sa présence est importante car ce personnage énigmatique devient, en exposant la réalité de son travail, un élément de compréhension de l’écoute.
Sonatas and interludes pour piano préparé est l’œuvre de John Cage choisie par les artistes pour tisser leur relation. Seize sonates et quatre pièces plus libres dans leur écriture forment un cycle écrit entre 1946 et 1948 et souvent considéré comme « l’une des plus belles réalisations de Cage ». On y retrouve dans les sonorités comme dans la forme son aspiration pour la musique orientale et la philosophie indienne. Chacun des morceaux qui le composent a une fonction évocatrice : l’héroïque, l’érotique, le merveilleux, la joie, la douleur, la peur, la colère, l’odieux, mais se rassemblent sur une valeur commune, la tranquillité.
Il ne s’agit pas pour Élodie Sicard d’improviser sur du Cage, exercice assez simple mais hasardeux, grandement pratiqué en spectacle depuis quelques temps, mais bien d’écrire une danse en étroite relation avec l’écriture du compositeur sans pour autant y être assujettie. Entre technique, humour, théâtralisation, elle aborde l’œuvre du côté de la fidélité intellectuelle et tente de diversifier ses approches pour donner vie à l’humeur du compositeur. Bonne danseuse, sa danse est parfois graphique, très articulée, méditative. Une séquence où à genou face à un plateau sur lequel sont disposées des bougies, vêtue d’une garde cape noire, rappelle le désir d’orient qui animait John Cage au moment de la création de Sonatas and interludes.
Chaque courte danse invite à se plonger dans un imaginaire et l’on aimerait qu’Élodie Sicard, que l’on sent imprégnée de cette musique exigeante, développe son interprétation moins vers le visuel mais plus vers la nuance du geste et creuse du côté des qualités de mouvement. Elle pourrait ainsi trouver un équilibre entre conceptualisation et volonté spectaculaire. La séquence réalisée avec un genre de boa à se mettre autour du cou, aussi drôle et bien conçue soit- elle, parait bien anachronique dans cet ensemble finalement austère et méditatif. Malgré tout, ce mélange du sophistiqué et du quotidien a toute sa place chez Cage qui aimait le décalage.
Bertrand Chamayou tout à son piano respire la musique et le bonheur qu’elle produit. Le public tous âges confondus est à l’écoute, il applaudit sans retenue cette proposition qui sait lui ouvrir les yeux et les oreilles. La relation danse – musique a tout d’une tradition que la Philharmonie par ces programmes légers et accessibles sait parfaitement renouveler.